C’est une double performance : une petite bouteille, la Bionade, venant du fin fond de la Bavière, séduit non seulement les cafés branchés d’Allemagne, mais également le monde des affaires, saisi par le succès spectaculaire du nouveau breuvage bio
Bionade, ce n’est pas de la bière, pas de la limonade, mais une boisson fermentée, non alcoolisée, à base de produits naturels issus de l’agriculture biologique, au secret de fabrication jalousement gardé. L’entreprise familiale collectionne aujourd’hui les prix et les honneurs qui récompensent non seulement son succès, mais son engagement pour l’environnement et la région.
On peut véritablement parler de vague Bionade en Allemagne : en cinq ans, le nombre de bouteilles vendues est passé de deux millions pour les années 2002/2003 à 200 millions en 2007. Fidèle à la tradition des PME familiales allemandes, l’entreprise ne dévoile pas volontiers ses chiffres d’affaire. Une chose est sûre, elle a pu engranger ses premiers bénéfices en 2006.
De fait, on retrouve la petite bouteille aux quatre coins du pays, aussi bien dans les trains de la Deutsche Bahn que dans les distributeurs automatiques de boissons ou les supermarchés traditionnels. Cette petite bouteille se décline en quatre goûts et quatre couleurs : rouge pour le sureau, jaune pour le litchi, vert pour les plantes et orange pour le gingembre-orange.
Son succès dépasse les bords du Rhin, puisqu'elle sera exportée en Europe, et bientôt aux Etats-Unis. Quant à la France, l’entreprise prépare son entrée : « La France représente un marché très important, ne serait-ce que par le nombre de ses clients potentiels. Mais nous ne sommes qu’au début de la commercialisation, alors qu’en Belgique, en Italie ou en Espagne, nous sommes au contraire bien mieux implantés, » relève Wolfgang Blum, associé et directeur de marketing de Bionade.
Une potion magique écologique
La brasserie familiale, fondée en 1827, au bord de la faillite dans les années 1980, s’est transformée grâce à l’invention de Dieter Leipold, le beau-père de l’actuel patron, Peter Kowalsky, en une PME florissante, principal fournisseur d’emplois dans une région certes pittoresque mais économiquement faible, la Rhön.
Actuellement, ce sont près de 130 personnes qui travaillent pour l’entreprise. Surtout, Peter Kowalsky assure aux agriculteurs de la région passés à la culture biologique l’achat de l’intégralité de leurs récoltes d’orge de brassage, de sureau et de betterave à sucre à des prix qualifiés par l’entreprise d’attractifs. A cette fin, le patron de Bionade a créé il y a de cela trois ans en coopération avec un agriculteur de la région le projet « Bio-Landbau Rhön » qui recoupe les agriculteurs de la région Rhön fournissant l’entreprise familiale – en produits bios, cela va de soi.
La création de ce projet agricole écologique poursuit deux objectifs : « Sur le long terme, nous voulons parer à tout risque de pénurie en assurant nous même, autant que faire se peut, la culture de produits agricoles biologiques, » explique Wolfgang Blum, ajoutant que « le terme « bio » n’est pas seulement une question de quantité, mais aussi et surtout de qualité et de confiance.
Il est donc particulièrement important de garder la main sur le contrôle des produits agricoles issus de l’agriculture biologique. » D’ici cinq ans, 80% des produits agricoles biologiques doivent provenir de la région Rhön, au travers du projet lancé par Peter Kowalsky – et ce, alors que la PME se trouve en pleine expansion. Pour se faire, l’entreprise prévoit l’extension des terres cultivables entre 160 et 200 hectares pour le sureau et 1000 hectares pour l’orge de brassage.
Selon Wolfgang Blum, Bionade prévoit d’autres projets agricoles similaires à l’étranger. Déjà, la création d’une plantation de Litchi est prévue soit en Afrique du sud, soit au Vietnam. La production serait achetée directement au producteur qui bénéficierait d’un contrat de longue durée.
Identification régionale
Mais au-delà de cet objectif économique se dresse la volonté d’une entreprise familiale de renforcer son influence dans la région. Ce faisant, elle perpétue une culture d’entreprise propre aux PME allemandes, véritable épine dorsale de l’économie nationale : très discrètes, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de la communication des résultats financiers, profondément ancrées dans leurs régions, en bonne santé financière, un bon nombre d’entre elles se distinguent par leur engagement social, même si celui-ci ne devait pas dépasser le stade régional.
L’entreprise Bionade n’échappe pas à cette tradition, celle-ci imprégnant depuis plus de 150 ans la sphère sociale de ce coin de Bavière par le biais de son prédécesseur, la Privatbrauerei Peter. Et elle le fait à sa façon : la PME bavaroise est sur le point de créer une unité « environnement et développement durable », venant compléter le projet « Bio-Landbau Rhön ». Cette unité sera chargée d’une part de conseiller les agriculteurs dans leurs transitions à l’agriculture biologique, d’autre part de la formation environnementale, prise au sens large. Des projets seront mis sur pied à destination des écoles et universités, tel un « jardin des sensations » pour les écoliers, ou encore le soutien aux étudiants dans leurs choix de sujets de dissertations.
Fort de son projet écologique, Bionade s’est engagé dans l’initiative « Business & Biodiversity » lancée par le Ministère fédéral allemand de l’environnement, rejoignant en cela douze autres entreprises de renom aux horizons les plus divers. Dans une déclaration commune, les entreprises s'engagent à mettre en place un large éventail de mesures conférant une importance particulière à la protection de la diversité biologique au sein de leur politique d'entreprise.
Claire Stam à Francfort (Allemagne)
Mis en ligne le : 17/03/2008
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