La succession d'orages, brefs et intenses, qui ravagent depuis plusieurs semaines une grande partie de la France, notamment dans le Nord et l'Est, interpelle les climatologues qui se gardent bien toutefois d'établir un lien avec le réchauffement en cours de notre planète..
Caves inondées près de Lyon (30 avril), véhicules emportés par les flots à Saint-Pée-sur-Nivelle (4 mai), coulée de boue en Haute-Savoie (20 mai), noyade dans les Pyrénées Atlantiques (26 mai), montée brutale des flots dans l'Aveyron (6 juin), évacuations dans le Nord (8 juin), inondations en Saône-et-Loire (14 juin): les épisodes de pluies violentes semblent se multiplier sur le sol français.
Avec le réchauffement climatique, plus de chaleur, et donc plus d'énergie, se retrouve dans l'atmosphère. La théorie voudrait donc que les phénomènes météorologiques violents, du type cyclone (sous les tropiques) ou orage (dans les latitudes tempérées) puissent atteindre des intensités jamais vues.
Mais plus de chaleur - et donc plus d'évaporation, et plus de vapeur d'eau dans l'atmosphère - ne veut pas dire systématiquement plus de pluies, car le point de condensation de la vapeur en pluie s'en retrouve aussi relevé.
Jean-Christophe Bouvier, du laboratoire HydroSciences de Montpellier (CNRS/IRD/Université), a étudié sur la durée l'occurence de ces "pluies rares", ces précipitations massives qui dépassent les 200 millimètres en l'espace de 24 heures. Soit un quart des pluies d'une année normale en une journée.
Sa conclusion est nette: "sur les soixante dernières années, on ne relève pas d'augmentation notable, au sens statistique, de ce type de phénomènes".
Cette approche a toutefois ses limites. En 1999, il était tombé plus de 500 millimètres d'eau sur l'Aude. "Trois ans après, rebelote, avec à nouveau 500 mm sur le Gard. Quelque chose qui est supposé être tout à fait exceptionnel s'est reproduit en trois ans. Mais dans une distribution statistique, c'est quelque chose qui ne ressort pas véritablement", concède M. Bouvier.
Eric Sauquet, de l'institut de recherche sur les eaux Cemagref, estime aussi que l'"on ne peut attribuer ces événements au réchauffement climatique. Ces orages relativement intenses sont possibles partout en France". "Plus on en parle, plus on est convaincu qu'il y en a, mais au niveau scientifique, on n'a rien de convaincant", renchérit son collègue Jacques Lavabre.
Les assureurs versent dans le même sens: sur les dix dernières années, le coût des catastrophes naturelles oscille sans véritable tendance entre 400 millions et un milliard d'euros par an (l'année 2003, avec le 1,3 milliard d'euros d'indemnisations liés à la sécheresse, constituant l'exception).
Tout juste si les scientifiques reconnaissent quelques tendances nouvelles, encore bien fragiles, qui pourraient être liées au réchauffement.
Le Cemagref évoque ainsi "une légère augmentation de l'intensité des crues" dans le nord-est... mais un moindre débit dans les Pyrénées". On assisterait peut-être, selon M. Bouvier, "à une légère augmentation des pluies intenses en Languedoc-Roussillon en automne".
Mais pour Patrick Galois, prévisionniste à Météo France, si la conjonction est favorable aux orages, "la situation n'a rien d'exceptionnel, tant pour les précipitations que pour les impacts de foudre".