Depuis le temps que le Marsupilami est le gardien de la jungle, voici enfin qu'il protège la forêt... en étant publié sur du papier FSC. Même engagement pour Boule et Bill qui paraissent pour la première fois sur du papier 100% recyclé. Ces initiatives de Marsu Productions et des éditions Dargaud, en partenariat avec le WWF, témoignent d'une prise de conscience du monde de l'édition vis à vis de la protection des forêts.
En 2004, Greenpeace avait lancé Plumes vertes, une opération visant à sensibiliser les écrivains et les éditeurs à la question de la protection des forêts. En 2005, son premier succès était que le dernier tome des aventures d'Harry Potter soit édité sur papier FSC. Ce sera à nouveau le cas pour le 7e dont la sortie anglaise est annoncée cet été. Aujourd'hui, les éditeurs de bande dessinée prennent conscience de leurs enjeux environnementaux puisque le 20e tome du Marsupilami est imprimé sur papier FSC et le dernier album de Boule et Bill paraît sur du papier 100% recyclé.
Ce n'est pas un hasard si ce sont ces deux séries-là qui montrent l'exemple. Depuis sa création par Roba, le Marsupilami ne cesse de protéger la jungle palombienne. De leur côté, Boule et Bill ont toujours su vivre en harmonie avec la nature qui les entoure que ce soit les oiseaux du jardin ou Caroline, la tortue. "Roba et Franquin étaient amis, ils ont même eu l'occasion de travailler ensemble au journal Spirou. Surtout, ce qui était très rare à leur époque*, ils avaient tous les deux une sensibilité à l'écologie," rappelle Philippe Ostermann, directeur éditorial des éditions Dargaud.
Deux démarches, deux engagements
Pour être fidèle à l'héritage de Franquin, Marsu Productions fait appel à l'expertise du WWF. Décision est prise de publier sur papier certifié FSC et plus encore : une page de sensibilisation à la préservation de la forêt tropicale est présente en fin d'album et une partie des bénéfices -l'équivalent de 30% de la marge- servirait à financer des actions de lutte contre la déforestation. Trouver l'imprimeur capable de répondre à une telle demande n'a pas été chose simple. L'un deux, en cours de certification, répond présent. Lucide, une chef de projet de Marsu productions fait remarquer : "Nos imprimeurs ne passent pas au FSC juste pour nous." Aujourd'hui, Marsu productions fait déjà ses réimpressions sur papier FSC et entend généraliser la pratique à l'ensemble de son catalogue.
Une histoire similaire a eu lieu chez Dargaud. "Laurent Verron qui reprend la série et a appris avec Roba, a lui aussi cette sensibilité. Un matin, il propose de publier Boule et Bill sur papier recyclé. On a travaillé puis c'est devenu une réalité. Ensuite nous avons contacté le WWF pour nous suivre dans cette opération, " explique Philippe Osterman. Lui aussi pointe du doigt les difficultés de trouver le fournisseur qui peut satisfaire une demande papier recyclé pour plus de 300 000 exemplaires. En augmentant le grammage du papier, force est de constater que le rendu d'impression est bon et que les éternelles critiques faites au papier recyclé -trop jaune par exemple- ne tiennent pas. "Généraliser l'édition de notre catalogue sur papier recyclé est un peu compliqué, cela dépend vraiment des tirages. On sait déjà d'ailleurs que pour certains types d'impressions ce ne sera pas possible, " reconnaît Philippe Ostermann. Pour autant il ne s'avoue pas vaincu : "Ce que nous avons en tête c'est de passer l'ensemble de notre production ou au moins une majeure partie sur du papier FSC," explique-t-il.
Un enjeu de taille
Pour rappel, on estime que l'industrie papetière consomme un cinquième des arbres abattus dans le monde. Une grande partie de cette production provient notamment des forêts anciennes de l'Ouest canadien, des forêts boréales et de plus en plus des forêts du Sud-Est asiatique. En Europe, les dernières forêts primaires finlandaises sont particulièrement menacées car mal gérées. Ce pays fournit un quart des exportations mondiales de papier d'impression et d'écriture.
De son côté, l'édition de bande dessinée est, depuis quinze ans, l'un des marchés les plus florissants de ce secteur. De 1990 à 2005, selon le Syndicat national de l'édition, son chiffre d'affaires a progressé de plus de 350% et le nombre de parutions a été multiplié par 10, passant de 400 à 4000 livres la BD
L'impact pourrait être d'autant plus fort que Dargaud est propriété du groupe Média-participation, qui avec Dupuis et le Lombard, regroupe trois des principaux éditeurs de BD en Europe. Prudent, Philippe Ostermann est un adepte des petits pas : "Je ne cherche pas à faire la révolution. Nous avons publié un album sur du papier recyclé et maintenant nous étudions la faisabilité d'un passage au papier FSC sur la majeure partie de notre catalogue. Si cette expérience est menée à bien chez Dargaud et qu'elle impulse d'autres démarches au sein du groupe, tant mieux." Il sait d'ailleurs que les enjeux du secteur ne se limitent pas à la protection des forêts. " Aujourd'hui, nous commençons et notre démarche devra se poursuivre notamment sur les cartons et les encres. Des directives européennes ont déjà interdit l'utilisation de certains solvants, en passant sur papier FSC, on aura une impression non pas neutre mais plus respectueuse de l'environnement. Il faut aligner les pas les uns après les autres," conclue-t-il.
* André Franquin est décédé à 73 ans en 1997 et Jean Roba est décédé, à 76 ans, en 2003. Le premier commencait la BD
Infos complémentaires :
Boule et Bill T31, Graine de cocker par Verron d'après Roba, Editions Dargaud, 8,70 euros.
Marsupilami, Viva Palombia!" de Franquin, Batem et Colman, Marsu productions, 8,70 euros