Un simple oubli ou une erreur de stratégie ?
Lorsqu’on regarde attentivement la liste des parties prenantes invitées par le Ministre d’Etat et ministre du MEDAD, Jean-Louis Borloo, on se rend compte qu’il manque une profession essentielle à tout changement profond des habitudes et des comportements en matière de développement durable: ce sont les banquiers. On peut légitimement s’interroger sur cet oubli, explications:
Que l’ensemble des experts issus du collectif des associations écologiques, l’Alliance soient présents à ce grand rassemblement marque la volonté d’ouverture du nouveau gouvernement.
Que des personnalités charismatiques dont les idées et les actions peuvent être reconnues en particulier par les pouvoirs économiques et politiques par delà les frontières de l’Hexagone est encourageant pour la teneur des débats.
Qu’un bon nombre d’organismes et de parties prenantes soient représentées dans une mosaïque de tendances allant du Médef aux syndicats en passant par des associations professionnelles du BTP ou des transports montre une révolution du comportement de l’Etat Français dans sa manière de construire sa décision publique*.
Mais quand on se penche sur l’ampleur des chantiers à mettre en œuvre, on peut s’étonner que ceux qui permettent à des initiatives privées de se répandre dans toutes les communes, dans tous les projets à venir, ne soient pas invités ou présents à la table des négociations !
Car les banquiers, qu’on les aime ou qu’on les déteste, permettent à chacun d’entreprendre car c’est leur premier métier. Leur permettre de se placer dans une logique vertueuse où les prêts servent à réduire l’empreinte écologique des ménages et des entreprises pourrait devenir pour eux un gigantesque marché paradoxal où plus on paye, moins on consomme... donc moins on paye...
Est ce que ce type de produit préfigure le marketing du XXIème siècle ? Nos enfants nous le dirons !
Prenons par exemple un domaine qui parmi un grand nombre de propositions faites au Grenelle de l’environnement (http://legrenelle.lalliance.fr/ ?p=39#more-39) pourrait attirer à lui un consensus : la maîtrise de l’énergie dans les bâtiments neufs et dans la rénovation.
Comment parvenir à mettre en œuvre la rénovation de 30 millions de logements si aucun produit bancaire n’est conçu pour s’adapter à la réalité de chaque projet individuel ?
Car lorsqu’on réduit la consommation d’énergie dans sa maison de façon à atteindre le nouveau standard bâtiment basse consommation (BBC2005), c’est par 4 à 7 que la facture annuelle d’énergie des ménages est ainsi réduite !
Le raisonnement qui doit s’établir se fait en coût global : d’un côté apparaît le surcoût de l’investissement pour renforcer l’efficacité énergétique de la maison (l’isolation, l’étanchéité à l’air, la mise en place de ventilation mécanique contrôlée double flux, le traitement des ponts thermiques…), d’un autre côté, en payant plus à l’investissement (autour de 150€ par m²) on réduit la facture de consommation d’énergie.
Du point de vue du particulier : le surcoût d’investissement est payé une fois, mais la réduction de la facture se produit chaque année à partir de la fin des travaux ! En général on refait des travaux lourds tous les 25 ou 30 ans, donc on peut multiplier l’économie par 25 ou par 30 pour avoir le montant total !
Au final, si d’un côté on n’a rien fait d’autre que construire ou rénover dans les standards actuels (RT2005), on n’a pas payé le surcoût d’investissement mais on continue à payer une grosse facture d’énergie. Mais si on a choisi d’améliorer l’efficacité énergétique de sa maison en payant ce surcoût initial, au bout d’environ 15 ans, ce dit surcoût est épongé par les économies d’énergies et alors se produit un petit miracle : on commence à gagner de l’argent.
Du point de vue du banquier l’opération est tout aussi intéressante : il conviendra, d’un côté, d’aider les ménages à financer ce surcoût d’investissement pour améliorer l’efficacité énergétique de leurs maisons. Mais dans un deuxième temps, dés que ces travaux seront terminés, les charges fixes de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire se réduisent considérablement. Donc pour le banquier, apparaît un double avantage : d’un côté il augmente le montant de l’emprunt pour chaque opération, mais dans un même temps, il réduit son risque de crédit, d’une part par l’allègement des charges d’énergie de son client, mais aussi parce que la valeur patrimoniale de l’hypothèque sera supérieure à celle qu’elle aurait été sans mise en oeuvre de cette performance énergétique du bien considéré.**
De sorte que le banquier peut communiquer en disant qu’il a une démarche de développement durable (qui devient véritable) et il aide aussi considérablement la relance de la consommation dans un axe totalement vertueux pour ce Grenelle de l’Environnement !
Il existe donc une véritable opportunité pour la première banque qui se décidera à créer ce type de produit pour capturer un gisement colossal de clients qui souhaiteront s’engager dans ce type de dépense.
Voyons voir quelle sera la première banque à demander à participer aux débats…
* http://www.ladocumentationfrancaise.fr/...
** car l’étiquette énergétique sera côtée A ou A+ et les retours d’expériences montrent qu’en Suisse, les maisons construites au standard Minergie (BBC2005 s’inspire directement du label Suisse) gardent une valeur supérieure de 10 à 15%.