Rustiques et peu gourmandes, le miscanthus et le switchgrass sont des graminées exotiques entièrement dédiées à la production de biocarburants. Feuilles, tiges, graines : toutes les parties des plantes de deuxième génération (ici le Miscanthus sinensis) sont utilisables pour produire de l'éthanol ou du BTL, un substitut du gazole encore à l'étude.
Ce sont de très grandes herbes originaires de Chine et d'Amérique. Cantonnées pour l'instant aux jardins et espaces verts où elles servent de plantes d'ornement, le miscanthus et le switchgrass pourraient devenir demain des cultures énergétiques, dites de deuxième génération, dédiées à la fabrication de carburant automobile ou de combustibles pour chaudières ou microcentrales électriques.
Par rapport aux cultures actuelles dont on n'exploite que la graine (blé, maïs, colza) ou la racine (betterave sucrière) pour fabriquer du bioéthanol (de l'alcool, en fait), incorporé à l'essence jusqu'à 85 %, ou du diester destiné aux moteurs Diesel, les cultures de seconde génération sont utilisées « plante entière ». Feuilles, tiges, graines : tout est bon pour produire de l'éthanol ou du BTL (Biomass to liquid), un substitut du gazole encore à l'étude, obtenu par un traitement thermochimique très proche du raffinage pétrolier. En outre, le miscanthus et le switchgrass sont des cultures énergétiques « dédiées » sans débouchés alimentaires.
« Depuis l'an dernier, nous avons lancé une expérimentation de ces cultures en France pour étudier leur comportement dans nos conditions de sol et de climat et définir des itinéraires techniques que ce soit sur le plan de la fertilisation, du désherbage ou encore du travail du sol », explique Afsaneh Lellahi, responsable des débouchés non alimentaires à Arvalis qui précise que ces travaux n'aboutiront « pas avant 2015. »
Déjà implantée en Grande-Bretagne
Miscanthus sinensis, de son vrai nom, est une plante à rhizome capable de produire plus de 15 tonnes de matière sèche à l'hectare (MS/ha), notamment en Grande-Bretagne où quelques milliers d'hectares ont été implantés pour alimenter une filière de biocombustible. Mais il reste cependant à vérifier que ces rendements élevés peuvent être atteints en France où le climat est globalement plus sec qu'outre-Manche.
Il s'agit d'une plante pérenne, en place pour 15 ans en moyenne, mais qui n'entre en production qu'au bout de la troisième année et dont le coût d'implantation est astronomique, de l'ordre de 3 500 euros par hectare ! De plus en fin de culture, il faut creuser de véritables tranchées pour venir à bout des racines ce qui occasionne de nouveaux frais...
À l'inverse, le miscanthus a l'avantage d'être extrêmement rustique. « Au bout des trois ans, il n'est plus nécessaire de désherber et il n'y a pas de parasite connu à ce jour. Quant aux fertilisants, il en faut très peu voire pas du tout au départ pour éviter de favoriser les mauvaises herbes », souligne Mme Lellahi.
Entre en production dès la première année
Moins productif, avec des rendements compris entre 10 et 15 t de MS/ha, le switchgrass, ou panic érigé (Panicum virgatum), a l'avantage d'entrer en production dès la première année et de se cultiver comme une céréale classique que l'on ne sèmerait toutefois que tous les 10 ou 15 ans. Techniquement, l'adoption de cette culture semble donc a priori plus facile pour les producteurs français, avec une mise de fonds, et donc un risque financier infiniment moindre au départ qu'avec le miscanthus. Très robuste lui aussi, le panic érigé a des besoins nutritifs limités et ne souffre d'aucun parasite. La faculté germinative de ses graines étant très faible, il convient néanmoins de prévoir un désherbage la première année, voire d'éventuels apports d'eau.
Sans préjuger de leur avenir sous nos latitudes, la frugalité de ces deux plantes est incontestablement leur principal atout quand on sait que la fertilisation représente, en moyenne, 56 % de l'énergie consommée pendant le cycle de production du blé, contre 36 % pour les opérations culturales (gazole) et 8 % pour la fabrication des semences et des produits phytosanitaires. Le fait de se passer d'engrais azotés, synthétisés à partir de pétrole, améliorerait donc sensiblement le bilan énergétique de la filière biocarburant.
Aujourd'hui, le rapport entre l'énergie nécessaire pour cultiver une céréale et l'énergie stockée dans la plante entière est de 1 à 13. Il est de 1 à 2 si l'on prend l'énergie contenue dans un litre de bioéthanol. Mais comme le souligne, Afsaneh Lellahi : « Nous disposons de grosses marges de progrès tant sur la partie agricole que sur la partie process industriel. »