Les quatre millions d'habitants d'Ankara sont privés d'eau depuis quatre jours. En cause, la météo, mais aussi des choix politiques et une mauvaise irrigation.
L'hiver fut particulièrement doux et sec (34 % de pluie en moins par rapport aux années précédentes) et l'été est caniculaire, avec une température avoisinant les 40oC. Aujourd'hui, une sécheresse sévère frappe l'ouest du pays. La situation agricole est alarmante. À cause des pluies qui tardaient à venir, la production des fruits et des légumes a baissé de 30 %, entraînant une importante hausse des prix. La presse publie tous les jours les photos de nouveaux lacs ou de rivières entièrement à sec.
« On ne peut pas laver la vaisselle »
Pour l'instant épargné des coupures, Istanbul possède de l'eau qui devrait suffire seulement jusqu'à la fin septembre. En revanche, à Ankara, les quatre millions d'habitants sont privés d'eau potable depuis quatre jours.
La rupture d'une conduite est à l'origine de cette coupure prolongée. Mais, même avant, ils ne pouvaient disposer d'eau courante que tous les deux ou trois jours. Les barrages de la ville sont remplis à 4 % de leur capacité. « L'eau stockée dans les conteneurs d'immeubles est vite épuisée. On ne peut pas laver la vaisselle ni nettoyer les toilettes », raconte Zeynep, une habitante. Les vendeurs d'eau potable en bidon n'arrivent plus à satisfaire les demandes. Les hôpitaux, que la mairie approvisionne par camions-citernes, refusent toutes les opérations non urgentes.
Des prières dans les mosquées
Les rares restaurants qui sont encore fréquentés utilisent des assiettes et couverts en plastique. Plus de 3 000 cas de diarrhée ont été signalés.
Une odeur insupportable s'élève de la ville où les habitants se livrent à une chasse à l'eau, même sale, dans les rues. « Mes parents en ont trouvé dans un chantier. On l'utilisera au moins dans les toilettes », raconte Ali, étudiant. Des prières ont été dites, vendredi, dans des mosquées : « Que Dieu le Miséricordieux amène les pluies fertiles des cieux. »Pour Heval Saritas, de la Chambre des ingénieurs en environnement d'Ankara, la sécheresse n'est pas seule en cause. « La mairie n'a pas pris les précautions nécessaires, sous prétexte qu'elles étaient coûteuses, comme la construction d'un tunnel pour acheminer de l'eau du barrage de Gerede, à 100 km d'Ankara », raconte-t-elle. Après la réparation de la conduite d'eau cassée, la ville devrait être approvisionnée en eau samedi soir. De quoi tenir... jusqu'à la prochaine coupure.
« Le réchauffement climatique a commencé à montrer ses effets en Turquie », affirme Heval Saritas. Selon les experts, une partie du pays risque de devenir désertique en 2040, en partie à cause de la sécheresse, mais aussi d'une mauvaise irrigation qui augmente la salinité des terres.