Les ravages de Dean dans les bananeraies offrent une occasion de rompre avec une agriculture grosse utilisatrice de pesticides. Le cancérologue Dominique Belpomme prédit un « désastre économique et sanitaire ». Il préconise une réforme profonde des pratiques agricoles. L'île a été polluée par plus de 100 pesticides. » Légumes, lait de vache, espèces marines, eau douces contaminées, sols rendus infertiles... Il est urgent d'agir pour sauver les Antilles du désastre économique et sanitaire qui s'annonce et protéger les générations futures
Les écologistes antillais en sont convaincus : les ravages de l'ouragan Dean dans les bananeraies offrent une occasion historique de faire le ménage. De rompre avec les méthodes qui, depuis des décennies, utilisent à hautes doses des pesticides toxiques pour l'homme. Le rapport que présente, aujourd'hui, le Professeur Belpomme, à l'Assemblée nationale, va dans leur sens. Le cancérologue, qui avait lancé « L'Appel de Paris », en 2004, affirme que les Antilles traversent « une crise extrêmement grave liée à l'utilisation massive de pesticides depuis de nombreuses années ». Le médecin est allé enquêter en Martinique où, affirme-t-il, « l'incidence des cancers de la prostate est parmi les plus élevées du monde, après celle des États-Unis ». Il souligne une fréquence élevée de cancers du sein, « une augmentation du nombre de cas de malformations congénitales et de pertes de fécondité ». « Il pose des questions... » Les causes de ces maux ne sont pas formellement établies. Le médecin appelle les pouvoirs publics à s'en préoccuper d'urgence. Lui, convaincu depuis longtemps que « le développement de nombreuses maladies actuelles est consécutif à la dégradation de l'environnement », pense que la chimie agricole y est pour beaucoup. Deux produits sont particulièrement visés : le chlordécone, un insecticide interdit depuis quinze ans, et le paraquat, un herbicide toujours utilisé. Mais « c'est l'arbre qui cache la forêt », pense le scientifique : « L'île a été polluée par plus de cent pesticides. » Légumes, lait de vache, espèces marines, eau douces contaminées, sols rendus infertiles... « Il est urgent d'agir, dit-il, pour sauver les Antilles du désastre économique et sanitaire qui s'annonce et protéger les générations futures. » Outre l'approfondissement des études épidémiologiques, il préconise « une réforme des pratiques agricoles et économiques ». « Le Pr Belpomme pose des questions, il n'apporte pas de réponse formelle, tente de relativiser la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot. Ses inquiétudes, que je partage, ont besoin d'être confirmées par des études scientifiques de haute qualité. » « Nous traiterons la question du chlordécone avec la plus grande transparence », a assuré le ministre de l'Agriculture, Michel Barnier. Il juge, lui aussi, que l'occasion se présente « d'aller vers la banane zéro pesticide ». Le Parti socialiste, rejoint par Cap21 de Corinne Lepage, demande une commission d'enquête parlementaire sur l'utilisation des pesticides aux Antilles. Secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, Christian Estrosi s'y est déclaré, hier soir, « tout à fait favorable ».