Un tiers de la population mondiale menacé par les conséquences de la désertification
La désertification des terres progresse à un rythme alarmant. Aujourd'hui, 250 millions de personnes en subissent les conséquences, et un tiers de la population mondiale sera affecté à l'avenir si rien n'est fait. Ce constat sera au coeur de la huitième conférence internationale des 191 pays signataires de la convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, qui a eu lieu du 3 au 14 septembre à Madrid.
La désertification n'est pas un phénomène naturel, synonyme d'expansion des déserts. Le terme désigne la dégradation des terres arides ou semi-arides, qui perdent progressivement leur fertilité. Cette détérioration est causée par une mauvaise exploitation des sols (cultures intensives, surpâturage, déforestation pour gagner de nouvelles terres cultivables), et par une irrigation incontrôlée, qui peut aboutir à l'assèchement de cours d'eau ou de lacs. "La couche supérieure des sols, si elle est surexploitée, peut être détruite en quelques années, alors que des siècles ont été nécessaires à sa constitution", relève le secrétariat de la convention. Le réchauffement climatique, en accroissant les besoins en eau des sols et en modifiant le régime des pluies, aggrave le phénomène.
Selon les Nations unies, un tiers des terres émergées est menacé. Les deux tiers des terres cultivables pourraient disparaître d'ici 2025 en Afrique, un tiers en Asie, et un cinquième en Amérique du Sud. Les pays en développement ne sont pas les seuls concernés. Un tiers des Etats-Unis est affecté. En Europe, l'Espagne est particulièrement touchée : un tiers du pays est en voie de désertification.
MIGRATIONS DE MASSE
Les populations locales sont à la fois les agents et les premières victimes de cette situation. "La désertification est à la fois la cause et la conséquence de la pauvreté, relève le secrétariat de la convention. C'est la pauvreté qui pousse les habitants des zones sèches à exploiter au maximum les terres, les conduisant à privilégier leur survie à court terme, et ne leur donnant d'autre choix que d'agir au détriment de leurs intérêts à long terme."
"L'appauvrissement des terres est l'une des causes des migrations de masse, notamment de l'Afrique subsaharienne vers le Maghreb et l'Europe", explique Zafar Adeel, l'un des auteurs d'un rapport consacré par l'ONU à cette question.
Bien que le phénomène soit connu, et la gravité de ses conséquences mesurée, le problème empire. La convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, entrée en vigueur en 1996 et signée par 190 pays, a peu d'effets sur le terrain. Lancée au sommet de Rio, en 1992, elle a connu des développements bien moins favorables que les conventions sur le climat et la biodiversité.
Selon les Nations unies, les Etats concernés se désintéressent de la question, voire privilégient des politiques de développement économiques contraires à l'objectif. Pour expliquer cet échec, l'ONU cite également "l'insuffisance des financements consacrés (à cette convention) au regard des deux autres adoptées à Rio" ou "le manque de sensibilisation des divers groupes d'intérêts". La conférence de Madrid doit aboutir à un nouveau plan d'action sur dix ans.
Dans l’ombre du réchauffement climatique
Le combat contre la désertification souffre d’un manque de mobilisation internationale.
La désertification mobilise moins, de ce côté du globe, que la lutte contre les changements climatiques. Elle représente pourtant «le plus grand défi environnemental de notre époque», martelait, en juin, un rapport de l’Université des Nations unies. Les deux sont la face d’un même piège qui entrave les Objectifs du millénaire de réduire la pauvreté par deux d’ici 2015 - déjà bien hors des rails - avertit d’ailleurs Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU.
Pourtant, cette semaine à Madrid, 2 000 experts et plus de 800 ONG ont, dans un quasi-désert médiatique, tenté de relancer la convention contre la désertification. Une mobilisation qui tarde à avancer quand le désert, lui, gagne du terrain… Les ONG déplorent que cette lutte soit une sorte de variable d’ajustement pour toutes les conventions nées lors du sommet de la Terre de Rio, en 1992. Ses ressources, cinq fois moins importantes que celles consacrées au climat, sont plus asséchées que jamais. Le succès du procole de Montréal destiné à lutter contre les gaz détruisant la couche d’ozone, signé il y a vingt ans, montre combien la mobilisation a valeur d’exemple. «Il a épargné à la planète un réchauffement plus grave encore», rappelle le Programme des Nations unies pour l’environnement.
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