Quant à la garantie que, désormais, les Etats-Unis " prennent au sérieux " le changement climatique, elle a provoqué des échanges de regards sceptiques dans l'assemblée. Bref, la conversion de Bush à la guerre au réchauffement du climat n'a pas mis un terme à la guerre froide qui oppose les Etats-Unis à leurs alliés, et aux grands pays émergents, sur ce dossier.
la Maison Blanche la Californie
" C'est quand même un moment important ", remarquait Brice Lalonde en sortant de la salle après la (brève, vingt minutes montre en main) prestation de Bush. L'ex-ministre de l'Environnement des socialistes Rocard et Cresson vient d'être nommé par François Fillon ambassadeur chargé des négociations sur le réchauffement climatique. A ce titre, il dirigeait la délégation française (les pays invités ayant délibérément envoyé des délégations d'un niveau modeste). " Le président des Etats-Unis vient enfin de reconnaître la réalité du changement climatique, et la responsabilité des activités humaines dans ce phénomène, ce qu'il avait toujours nié... " En sept ans de mandat, Bush n'a en effet cessé de proclamer ses doutes sur le sujet, et de maintenir son pays à l'écart du protocole de Kyoto.
Brice de Saint-Briac (Ille-et-Vilaine) n'en était pas enthousiaste pour autant. Après avoir rappelé : " Comme ambassadeur, je suis tenu à une certaine réserve dans mes propos ", il notait : " Le président américain affiche une très grande foi dans la technologie, la fée technologie va tout sauver, c'est très américain tout ça, mais il ne fixe aucun chiffre, aucun objectif, aucun plafond... Tout le monde lui a rappelé que le processus post-Kyoto a déjà été lancé aux Nations unies, qu'il faut d'abord préparer la réunion de Bali (prévue en novembre), et qu'il ne faut pas trop perturber ce processus... " Le délégué allemand, le ministre de l'Environnement Sigmar Gabriel, était moins diplomate : " Un grand pas pour l'Amérique, un petit pas pour l'humanité ", ironisait-il au sujet de la conversion tardive de
La recette made in Bush pour faire baisser la température de la planète se résume à s'en remettre aux chercheurs pour trouver le moyen de faire face à l'explosion de la demande énergétique, tout en mettant fin aux émissions de carbone, sans rien changer à l'american way of life, et, surtout, sans fixer aucun objectif, laissant à chaque pays (et à chaque industrie) le soin de faire preuve de civisme planétaire et de réduire ses émissions de carbone dans l'atmosphère.
" Pour dire la vérité, je n'y crois pas trop ", avouait Lalonde. " La technique peut certes beaucoup, mais pour le moment, on ne voit pas une technologie qui soit à la mesure du problème. Donc il y a aussi des politiques à amener, un effort à faire pour renchérir le prix du carbone, et des objectifs contraignants à se fixer... Les Américains en sont encore loin. " Comme les experts des think-tanks et les environnementalistes américains qu'il a rencontrés, c'est en fait du Congrès et de la pression de l'opinion publique en année électorale qu'il espère un vrai dégel sur la question de la lutte contre le réchauffement.
Plusieurs projets de loi fixant des objectifs précis de réduction des émissions de carbone sont en discussion au Capitole. C'est l'effet Gore (l'impact du documentaire de l'ex-vice président démocrate, Une Vérité qui dérange ), combiné à l'effet Schwarzenegger (le gouvernator républicain a fait de son Etat,
En attendant, les délégués venus à Washington, une semaine après avoir participé à New York à un sommet sur le climat réuni par l'Onu, sont repartis aussi incertains des raisons pour lesquelles Bush les avait convoqués qu'à leur arrivée. Pour les ONG, Bush a entrepris de torpiller le processus post-Kyoto des Nations unies. Pour les commentateurs, il a voulu faire un coup de pub à destination de l'opinion américaine, et corriger son image de pollueur en chef alors que la fin de son mandat approche et que sa stature de commandant en chef est irrémédiablement ternie par l'aventure irakienne.
Peu importe, au fond. Les médias parlent ces jours-ci d'événement historique à la rubrique Environnement , mais il ne s'agit pas de la conversion de George W. Bush. C'est que, pour la première fois de mémoire humaine, le Passage du Nord-Ouest est navigable du fait de la fonte de la banquise dans l'Arctique.