Faut-il réduire les pesticides ou simplement encadrer leur usage ? Cette question divise les lobbyistes européens - défenseurs de l'environnement d'un côté, producteurs de pesticides et agriculteurs de l'autre - et les eurodéputés qui vont réviser une partie de la législation existante, en première lecture, ce mardi 23 octobre, à Strasbourg.
La Commission
, elle aussi partagée entre ces deux camps, propose seulement d'encadrer l'usage des pesticides. Elle constate que leur utilisation n'a pas diminué entre 1992 et 2002 - 315 000 tonnes, d'une valeur de 7 milliards d'euros, ont été disséminées dans l'environnement en 2002 -, et que 5 % des fruits et légumes vendus en Europe présentent encore des valeurs résiduelles en pesticides supérieures aux plafonds autorisés. Elle estime qu'il est possible de limiter l'usage de ces produits chimiques au "strict nécessaire". Mais elle part aussi du principe que les pesticides permettent de garantir la sécurité alimentaire européenne. Bruxelles ne veut pas priver les agriculteurs d'outils dont pourraient bénéficier leurs concurrents du tiers-monde, ce qu'apprécient les professionnels concernés, réunis au sein du Comité des organisations professionnelles agricoles (COPA) de l'Union européenne.
La Commission
constate en outre qu'il est "impossible" de prouver l'existence d'un lien de causalité entre l'usage de pesticides et l'apparition de certaines maladies, un point sur lequel insiste l'Association européenne de la protection des plantes (ECPA), qui représente 80 % des producteurs de pesticides de l'Union européenne (BASF, Bayer, DuPont de Nemours, Monsanto...), soit 28 000 emplois et un chiffre d'affaires de 6,8 milliards d'euros en 2006.
Dans le camp adverse, les ONG pro-environnement, réunies au sein du réseau Pan Europe, estiment que limiter l'exposition aux pesticides permettra de préserver la santé humaine et de protéger l'environnement. Au Parlement européen, elles sont entendues par la rapporteuse verte allemande Hiltrud Breyer, en charge d'un règlement relatif à la "mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques", mais pas par sa collègue Christa Klass (CDU), en charge d'une directive sur leur "utilisation durable".
PROTECTION DES RIVIÈRES
Ces protagonistes s'opposent sur la nécessité d'introduire ou pas des objectifs contraignants de réduction des pesticides. "Certains pays comme le Danemark ou la Suède
l'ont fait, alors pourquoi pas l'Union européenne ?", demande François Veillerette, du Mouvement pour les droits et le respect des générations futures. "On ne peut pas transposer le modèle danois à la Grèce
ou à l'Espagne, qui n'ont pas les mêmes cultures !", répondent les services de Stavros Dimas, commissaire en charge de l'environnement. "En outre, si les fermiers doivent réduire leurs quantités, ils utiliseront des substances plus actives", ajoute la Commission.
De même, l'ECPA et le COPA s'opposent à l'introduction uniforme de "zones tampons" destinées à protéger les rivières : "Comment soignera-t-on le riz en Camargue, comment fera-t-on aux Pays-Bas où il y a des ruisseaux tous les dix mètres ?", demandent ces organisations. Autre pierre d'achoppement : l'introduction du principe de reconnaissance mutuelle pour les pesticides, selon lequel l'autorisation de mise en vente dans un pays de l'UE vaudrait dans tous les autres. Industriels et agriculteurs y sont favorables, puisqu'il permettrait de créer un marché unique des pesticides, tandis que les environnementalistes opposent un principe de souveraineté nationale.
Dernière question, l'UE va-t-elle faire pour les pesticides ce que son règlement Reach a fait pour les produits chimiques ? Le commissaire Markos Kyprianou, en charge de la santé, suggère d'interdire les substances cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, et d'imposer le principe de la substitution, qui consiste à retirer un produit quand une substance plus sûre existe. L'ECPA fait valoir qu'elle perdrait alors 30 à 75 % de son marché.