Les nuages de fumée qui recouvrent régulièrement, à l'automne, les pays d'Asie du Sud-Est, notamment la Malaisie et Singapour, proviennent davantage des incendies de tourbières indonésiennes que des feux de forêt : les tourbières accumulent en effet des quantités énormes de carbone et peuvent brûler longtemps - jusqu'à trois mois - une fois enflammées.
Ces nuages de fumée sont le symptôme de la dégradation rapide d'un écosystème peu connu mais vital pour la biosphère. Selon une étude menée par le Global Environment Centre, de Singapour, sous l'égide du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), et présentée lors de la conférence sur le climat de Bali, les tourbières, alors qu'elles ne couvrent que 3 % des terres du globe, contiennent au moins 550 milliards de tonnes de carbone, soit deux fois plus que tout le carbone stocké par les forêts de la planète.
"UNE STRATÉGIE DE GESTION"
La tourbe est constituée de matière organique accumulée pendant des milliers d'années. Son épaisseur peut atteindre 10 mètres. Les tourbières sont principalement situées en Russie (environ 120 millions d'hectares), au Canada (120 millions), aux Etats-Unis (80 millions) et en Asie du Sud-Est (30 millions, dont 22 en Indonésie). On en trouve aussi en Afrique et en Amérique latine, mais leur superficie est mal évaluée.
La principale cause de dégradation des tourbières est leur drainage, motivé par la plantation de palmiers à huile, d'acacias ou d'eucalyptus, surtout en Indonésie. "Cela conduit à leur assèchement, qui stimule l'activité bactérienne de décomposition, d'où l'émission de quantités importantes de CO2, explique Faizal Parish, principal auteur de l'étude. Le feu peut aussi prendre sur la tourbe sèche."
L'étude estime que les émissions de CO2 des tourbières représentent près de 3 milliards de tonnes par an, soit 10 % du total mondial et davantage que les émissions liées à la déforestation. Les deux tiers proviennent d'Asie du Sud-Est - ce qui ferait de l'Indonésie le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre.
Une cause majeure du changement climatique est donc très localisée. "La restauration des tourbières est le moyen le moins coûteux de stopper les émissions de gaz à effet de serre, affirme Marcel Silvius, de Wetlands International, une association néerlandaise spécialisée sur les zones humides. La première mesure à prendre serait d'arrêter le drainage effectué pour les plantations."
Le gouvernement indonésien est conscient du problème. "Oui, il nous faut stopper les feux, a déclaré le ministre de l'agriculture, Anton Apriyantono. Nous réévaluons leur utilisation pour l'agriculture." Les membres de l'Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean) ont par ailleurs adopté, en 2006, une "stratégie de gestion des tourbières".