L'Organisation de coopération et de développement économique (alias OCDE), qui regroupe les pays les plus riches de la planète, vient de produire un épais rapport, de quelque 500 pages, Perspectives de l'environnement à l'horizon 2030. Sur le site de l'OCDE, une synthèse en français est téléchargeable gratuitement (au format PDF). Le sujet : le monde en 2030. La vision qu'elle décrit n'est pas spécialement riante mais le rapport ne verse pas non plus dans le catastrophisme puisque des corrections sont possibles.
L'OCDE fait les comptes de la démographie et annonce 8,9 milliards d'hommes sur la Terre la Russie la Chine
Figure 1. Nombre de personnes vivant dans des zones en situation de stress hydrique en 2005 (barre supérieure) et en 2030 (barre inférieure) pour les pays de l'OCDE, pour ceux du groupe BRIC (voir le texte) et pour le reste du monde (RdM). La couleur indique l'intensité du manque d'eau, de fort (vert) à aucun (jaune). © OCDE
"Les Perspectives sont un ouvrage remarquable. Elles transmettent un message d'espoir pour l'avenir et, en même temps, un appel urgent à l'action dès aujourd'hui. Elles fournissent des orientations importantes aux décideurs et conjuguent analyse économique et analyse environnementale", a souligné M. Stoltenberg.
Associant projections économiques et projections environnementales pour les décennies à venir, cette édition 2008 des Perspectives de l'environnement de l'OCDE met en avant certaines mesures dans l'optique de relever les grands défis. Elle définit quatre domaines prioritaires dans lesquels il est urgent d'agir : le changement climatique, la diminution de la biodiversité, la rareté de l'eau et l'impact de la pollution et des produits chimiques toxiques sur la santé humaine.
Il ressort des projections économiques et environnementales que les émissions mondiales de gaz à effet de serre progresseront de 37 % d'ici à 2030 et de 52 % d'ici à 2050 si les pouvoirs publics n'adoptent pas de mesures nouvelles. Pour répondre à la demande croissante d'aliments et de biocarburants, les superficies agricoles mondiales devront augmenter, d'après les estimations, de 10% d'ici à 2030 ; un milliard de personnes de plus qu'aujourd'hui vivront dans des zones touchées par un stress hydrique prononcé en 2030 ; et les décès prématurés dûs à l'ozone troposphérique pourraient avoir quadruplé dans le monde à la même date.
"Les pays devront modifier la structure de leur économie de manière à s'assurer des lendemains plus écologiques et plus durables, et à émettre peu de carbone. Les coûts de cette restructuration sont abordables, mais la transition devra être conduite avec soin, en tenant compte des impacts sociaux et des répercussions sur la compétitivité et en tirant parti des opportunités nouvelles", a ajouté M. Gurría.
D'après les projections présentées dans cette publication, le PIB mondial devrait presque doubler d'ici à 2030. Or, la simulation de certaines actions opérées par l'OCDE montre que leur mise en œuvre n'amputerait cette croissance que d'un peu plus de 1 % et qu'elle permettrait de réduire les émissions des principaux polluants atmosphériques d'un tiers environ, par rapport au scénario de politiques inchangées, et de ramener la progression des émissions de gaz à effet de serre à quelque 12 % au lieu de 37 %.
L'OCDE recommande d'utiliser des panoplies de mesures et, pour maintenir leur coût à un faible niveau, de s'appuyer en grande partie sur des instruments économiques ou qui font appel aux règles du marché. La fiscalité environnementale, la tarification de l'eau, les échanges de permis d'émission, les systèmes pollueur-payeur, les redevances sur les déchets et l'élimination des subventions préjudiciables à l'environnement (en faveur des énergies fossiles et de l'agriculture, entre autres) en sont des exemples.
Sont également nécessaires des réglementations et des normes plus strictes (dans les secteurs des transports et du bâtiment, par exemple), ainsi que des investissements dans la recherche-développement, des approches sectorielles et volontaires, l'éco-étiquetage et l'information.
M. Gurría a indiqué que les évolutions technologiques apporteront elles aussi des solutions, mais que l'application généralisée des découvertes soulève de gros problèmes du point de vue des droits de propriété intellectuelle et qu'il faudra y faire face.
Les Perspectives décrivent des moyens permettant de partager les coûts de l'action publique à l'échelle mondiale. Les pays développés sont à ce jour responsables de la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre, mais du fait de la croissance économique rapide des économies émergentes, en particulier du Brésil, de la Russie, de l'Inde et de la Chine, les émissions annuelles de ces quatre pays dépasseront en 2030 celles des 30 pays membres de l'OCDE réunis. Un partage équitable de la charge et les effets redistributifs seront aussi importants que le progrès technologique et que le choix des instruments d'action.
"Nous devons avoir à l'esprit que, pour bien faire dans le domaine de l'environnement, il ne suffit pas de savoir quoi faire et comment. Il nous faut aussi répondre à la question : qui paie quoi ? Le coût mondial de l'action sera beaucoup moins élevé si tous les pays œuvrent de concert", a souligné M. Gurría.
L'eau risque de manquer à un milliard de personnes
En croisant ces paramètres, l'étude établit des prévisions dans quatre domaines : le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources en eau mais aussi la diminution de la biodiversité et les effets nocifs de la pollution. Si aucune action n'est entreprise, le rapport table, pour l'horizon 2050 (et non 2030) sur une augmentation de 37 à 52 % des gaz à effet de serre, aboutissant à un réchauffement de 1,7 à 2,4 °C.
Concernant les ressources en eau, le rapport estime la situation vraiment alarmante (voir la figure 1). Sans mesure importante à prendre dans les prochaines années, plus d'un milliard de personnes de plus souffriront du manque d'eau en 2030, soit 3,9 milliards de Terriens, c'est-à-dire presque la moitié de l'Humanité.
Figure 2 (cliquez pour agrandir). Nombre de décès prématurés imputables à l'ozone dans les zones urbaines en 2000 (barres jaunes) et en 2030 (barres orange), pour les pays de l'OCDE (groupe du haut), du BRIC (milieu), du reste du monde (avant-dernière double barre) et pour le monde entier (dernière double barre). © OCDE
La biodiversité, sujet moins médiatique que le réchauffement, devrait poursuivre sa régression. Dans tous les pays du monde, l'essentiel de la diminution proviendrait de l'extension des surfaces agricoles, de 10 % selon le rapport, indispensable pour nourrir les bouches supplémentaires mais aussi pour produire des agrocarburants.
La pollution de l'air et de l'eau n'est pas oubliée dans le rapport (alors qu'elle est bien souvent occultée par le réchauffement). « Le nombre de décès prématurés liés à l’ozone troposphérique quadruplera [voir la figure 3] et celui des décès prématurés liés aux particules fera plus que doubler » lit-on dans le rapport.
Figure 3 (cliquez pour agrandir). Abondance moyenne des espèces vivantes et causes de leur disparition. Le graphe indique les valeurs de 2000 et estimées pour 2030 pour, de gauche à droite, les pays de l'OCDE, ceux du BRIC, ceux du reste du monde et pour le monde entier. Les couleurs représentent (de bas en haut), la biodiversté restante (en marron) et, pour le reste, les pertes liées à l'azote, aux infrastructures, au morcellement des terres, à l'exploitation forestière, au climat et à l'agriculture (part la plus importante).
© OCDE
Pour quelques dollars de moins...
Tout cela fait un peu froid dans le dos mais a au moins le mérite de poser les problèmes clairement et sans détour. De plus, l'étude se penche sur l'ampleur des moyens à mettre en œuvre pour enrayer ces évolutions et la conclusion est plutôt optimiste. Il suffirait d'une réduction très faible du PIB (produit intérieur brut) pour obtenir un effet suffisant. D'après les experts de l'OCDE, les mesures à prendre coûteraient 1 % du PIB mondial en 2030, ce qui correspond à une baisse annuelle de 0,03 % à partir de 2008. Au lieu de gonfler de 99 %, l'économie mondiale n'augmenterait alors que de... 97 %.
Plus concrètement, l'OCDE milite pour une suppression de toute subvention à l'utilisation de produits d'origine pétrolière (y compris les plastiques, donc), pour une grande prudence vis-à-vis des agrocarburants et, surtout, pour une taxe carbone élevée, incitant au développement de technologies et de comportements alternatifs.
Pour obtenir un exemplaire des Perspectives de l'environnement de l'OCDE à l'horizon 2030, les journalistes sont priés de contacter la Division des relations avec les médias de l'OCDE (tél. + 33 1 45 24 97 00).
Pour de plus amples informations, les journalistes sont invités à contacter Helen Fisher, Division des relations avec les médias de l'OCDE (tél. : + 33 1 45 24 80 97).
http://www.oecd.org/document/17/0,3343,fr_2649_34487_40229521_1_1_1_1,00.html
Des informations complémentaires sur le rapport sont disponibles à www.oecd.org/environnement/perspectives2030