Le cabinet Mc Kinsey a publié une étude en octobre montrant que les sociétés aux équipes mixtes ont enregistré entre 2003 et 2005 un résultat d'exploitation moyen supérieur de 48% à celui des entreprises de leur secteur dirigées majoritairement par des hommes, ainsi qu'une rentabilité moyenne de leurs fonds propres de 10% plus forte. Entretien de Perrine Créquy avec Caroline Grinda paru dans le Figaro.fr. Caroline Grinda co-gère le fonds Valeurs féminines chez CPG avec Jean-Louis Hostache. http://www.lefigaro.fr/sicav/2008/03/07/04006-20080307ARTFIG00549-des-femmes-a-la-tete-des-societes-dopent-lDe Objet Reçu Contacts
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Caroline Grinda est cogérante du fonds Valeurs féminines, chez Conseil Plus Gestion. Elle investit dans des entreprises à management féminin et sur la consommation féminine.
LE FIGARO.FR Comment la présence de femmes dans les instances dirigeantes impacte-t-elle les résultats des entreprises ?
Caroline Grinda
Le cabinet Mc Kinsey a publié une étude en octobre montrant que les sociétés aux équipes mixtes ont enregistré entre 2003 et 2005 un résultat d'exploitation moyen supérieur de 48% à celui des entreprises de leur secteur dirigées majoritairement par des hommes, ainsi qu'une rentabilité moyenne de leurs fonds propres de 10% plus forte. Et selon une analyse de Catalyst en 2004, le taux de rendement pour leurs actionnaires est de 34% supérieur. Force est donc de constater que la présence de femmes à la tête des sociétés dope les résultats. Je tiens à éviter les stéréotypes, et je ne pense pas que les femmes soient meilleures que les hommes. Les performances supérieures des entreprises mixtes s'expliquent par la créativité qui naît de la diversité. Par ailleurs, à compétences égales, la candidature d'un homme est souvent préférée pour les postes à responsabilités. Les femmes qui parviennent à percer ce «plafond de verre» sont donc particulièrement motivées et efficaces. Ces deux qualités, essentielles pour gérer une entreprise, commencent à être reconnues et recherchées. Lors du Women Forum l'an dernier, Anne Lauvergeon, la patronne d'Areva, m'a confié qu'à compétences égales, elle recruterait une femme.
Comment est née l'idée du fonds Valeurs féminines, consacré aux femmes, consommatrices et dirigeantes d'entreprises ?
Jean-Louis Hostache, le fondateur de Conseil Plus Gestion, a choisi de lancer des fonds thématiques originaux. L'un est dédié aux sociétés qui investissent en Provence, un autre aux sports et loisirs. Quand une société financière a décidé de créer un indice de la consommation féminine, début 2005, notre PDG a eu l'idée de consacrer un fonds à cette thématique, via les secteurs du luxe, des cosmétiques et de la distribution spécialisée notamment. Le deuxième critère d'investissement retenu pour le fonds Valeurs féminines est la présence de femmes, au sein du conseil d'administration ou des directions exécutives des sociétés. Le panel de valeurs ainsi constitué est constitué de 650 à 700 valeurs, dont environ 150 répondant au critère du management féminin. Nous privilégions ensuite une sélection par stock picking, après une analyse financière classique de leurs résultats.
Pourquoi investissez-vous également sur la consommation féminine ?
Les femmes sont à l'origine de 80% des dépenses du ménage, et influencent pour près de 90% les décisions d'achat du ménage. Par ailleurs, Merrill Lynch a noté que l'indice des prix à la consommation des femmes a été supérieur à celui des hommes au cours des dix dernières années. Le potentiel de croissance des produits destinés aux femmes est donc un thème d'investissement attractif.
Quelles sont les premières lignes de votre portefeuille ?
Statoilhydro arrive en tête. Le groupe pétrolier norvégien représente 4,35% du portefeuille. Nous avons en effet choisi de limiter la part de chaque valeur à 5%. Viennent ensuite PPR, Pernod Ricard, le distributeur d'électricité finlandais Fortum et l'opérateur télécom suédois Teliasonera. Sans oublier Beneteau, le fabricant de voilier dirigé par Annette Roux.Nous investissons aussi sur la consommation à connotation féminine avec Christian Dior et Danone, mais aussi avec le groupe de textile Inditex, propriétaire de la marque Zara. Le fabricant suédois de cosmétiques Oriflame permet d'être présent sur les pays émergents, puisqu'il réalise 90% de son chiffre d'affaires sur ces marchés.
Une seule de ces sociétés a une femme pour PDG. Sur quelles autres patronnes misez-vous ?
Il y en a beaucoup ! Je peux vous citer Anne Lauvergeon, à la tête d'Areva, Liliane Bettencourt, pour l'Oréal. A l'étranger, Angela Ahrendts dirige Burberry, Nancy Mc Kinstry est PDG du groupe néerlandais d'édition professionnelle Wolters Kluwer. Nous misons aussi sur le London Stock Exchange, la Bourse londonienne dirigé par Clara Furse. J'ai beaucoup d'admiration pour Anne-Sophie Pastel, la fondatrice du site internet auféminin.com. Elle a quitté la société en décembre dernier, mais conserve sa place au conseil d'administration. Cette femme brillante et modeste a créé son projet puis l'a fait mûrir pour aboutir à la réussite que l'on connait, avant de vendre le site à Axel Springer. Aujourd'hui encore, je garde 2,5% de cette société qui est, selon moi, l'une des plus belles aventures économiques portées par une femme.
Les pays scandinaves sont réputés pour promouvoir la parité dans les entreprises. Sont-ils davantage représentés dans votre portefeuille ?
En Norvège, 40% des membres des conseils d'administration doivent être des femmes. Elles constituent un quart à un cinquième des membres en Suède, Bulgarie et Lituanie. En revanche, seuls 8% des sièges aux conseils d'administration sont occupés par des femmes en France. Il est donc vrai que les pays nordiques sont en avance dans la mixité. Notre portefeuille est cependant majoritairement investi dans des sociétés françaises. Nous tenons à rencontrer les dirigeants des entreprises sur lesquelles nous misons. Les sociétés suédoises représentent 11% du portefeuille, celles de Norvège 5% et 4% sont implantée en Finlande.
Investiriez-vous dans des pays qui se préoccupent peu des droits des femmes ?
Je pense que non. Cette question ne s'est jamais posée concrètement, car nous investissons majoritairement en Europe, le fonds Valeurs féminines étant éligible au PEA. Mais nous menons une réflexion sur l'évolution de la situation des femmes, essentiellement dans l'entreprise. Le comité de pilotage de notre fonds se réunit deux fois par an. A l'occasion de ces rencontres, nous échangeons avec des dirigeantes d'entreprises, des stratégistes et des invitées. A mes heures perdues, je participe à différents colloques comme le Women Forum, et aux réunions des associations Femmes 3000 ou European professional women networks. Ce n'est pas du féminisme, mais de la conviction.
Votre fonds présente en revanche une performance dans la moyenne de l'indice Eurostoxx auquel il se réfère. Comment expliquez-vous cela ?
La performance d'un fonds dépend des choix des gérants avant tout. Nous assumont la responsabilité des résultats que nous enregistrons. L'horizon d'investissement de ce fonds est de cinq ans au minimum. Il faut donc observer les performances sur longue période avant de tirer des conclusions sur ses performances. Mais jusqu'à présent, Valeurs féminines s'affiche dans la première moitié de sa catégorie en terme de performance, malgré une année 2007 difficile. Ce fonds a une volatilité maîtrisée. Il se montre résistant dans la crise.