Dominique VALCK et Hélène PAULY de 3D Territoires proposent une approche analytique originale pour caractériser ce qui est, ou pas, du développement durable. Un schéma sémiotique très simple, expliqué en 2 parties et permettant d'accéder à un outil en ligne. Lancer le PODD http://www.3dterritoires.org/index.php?category/Outils
Pour observer valablement le développement durable, identifier une bonne pratique et contribuer à son déploiement à l’échelle des territoires, il convient de recadrer le concept et même de lui redonner un sens trop souvent dévoyé, se limitant régulièrement soit à des approximations arrangeantes, soit à des non-sens particulièrement toxiques.
Le Programme d’Observation du Développement Durable (PODD) mis en place par 3D Territoires, relayé par blog-territorial, et en partenariat avec les acteurs des territoires, appuiera son travail sur une méthode d’analyse a priori, ainsi qu'une grille de lecture la plus pertinente possible.
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément »... Cette citation de Nicolas Boileau pourrait résumer à elle seule le rôle de la sémiotique : comprendre et maîtriser les conditions de production du sens.
Et la tâche est ardue lorsque l’on s’attaque au développement durable ! En effet comment retrouver l’essence d’un concept mainte fois récupéré, interprété, assimilé, où même les guerres de chapelles apparaissent ? Comment caractériser les actions que l’on déclare "de développement durable" ? Ou pas … Citons pour mémoire la définition officielle : "Répondre aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs". Définition du rapport Brundtland, édulcorée toutefois sous la pression de certains pays, puisque la mention "… et notamment des plus défavorisés" a été gommée.
Mais voyons maintenant comment cette définition se traduit dans le quotidien et quelle signification peut lui être appliquée. Cet éclaircissement va permettre de catégoriser les actions dites de développement durable telles qu’elles sont pratiquées aujourd’hui. Le schéma suivant est une succession d’oppositions, structurées à la suite de très nombreux échanges, que ce soit avec des chefs d’entreprises, des représentants de la société civile, fonctionnaires territoriaux ou des élus.
La première opposition caractérise l’échelle à laquelle on applique les actions de développement durable.
Prenons un exemple : le transport. Afin de limiter la pollution dans une ville, on peut choisir de demander à chaque individu de laisser sa voiture au parking, de faire du covoiturage, de prendre le bus : ce sont des actions individuelles, louables certes car il ne s’agit pas de miner l’engagement, mais l’échelle est individuelle. Mais on peut également repenser les plans de circulation, développer les aires de stationnement, organiser des navettes vers le centre ville : ce sont des actions collectives, qui déplacent le problème de l’individu vers la communauté et permettent de développer des solutions mutualistes. Les économies d’échelle deviennent rapidement intéressantes.
Un autre exemple consisterait à moins se laver pour économiser cette précieuse ressource qu’est l’eau ou prendre des douches, comme je l’évoquerai dans la deuxième opposition. Pourquoi pas ? Mais je soulève une question, je présente un constat, et je propose une piste. La question est simple. Combien de temps ladite personne reste-t-elle sous la douche ? Le constat est tout aussi simple. L’eau qui entre dans une maison est potable à 100%. C’est un peu ballot pour certains usages comme la vaisselle, les toilettes etc. Mais l’eau ressort de cette maison à l’état de déchet … Pour être donc retraitée. Seulement ce déchet comporte deux catégories. D’une part les eaux grises (80%), c'est-à-dire les eaux très peu souillées et pouvant être aisément remises aux normes sanitaires sans installations lourdes. Ce sont les eaux de vaisselles, les eaux de douches et de lavage en règle générale. D’autre part les eaux noires (20%), c'est-à-dire les eaux très chargées. Ce sont les toilettes. Seulement voilà, on mélange tout … Et direction la STEP (station d’épuration). Donc, et avec 80% d’eaux grises et 20% d’eaux noires, on fait 100% d’eau infecte nécessitant un lourd retraitement, engorgeant les STEP et impliquant des investissements lourds pour la collectivité...
Pourquoi ne réfléchirions-nous pas, dans la conception de nos bâtiments, à l’installation de deux réseaux : eaux grises – eaux noires ? Au regard des coûts de traitement et de la raréfaction d’une ressource fragile, la piste est intéressante … mais uniquement applicable collectivement.
Idéologique / Pragmatique
La deuxième opposition joue sur l’aspect des valeurs que l’on projette dans le développement durable.
Afin de vous amener à un changement de comportement, le destinateur (il s’agit là de l’émetteur du message, du constructeur de la communication) peut choisir de vous culpabiliser : "Ne pas trier ses déchets, c’est mal", "Vous prenez trop de bains au lieu de prendre des douches, vous êtes un gaspilleur", etc. C’est un argument moral – idéologique.
"Vous êtes un gaspilleur, c'est mal !"
A l’opposé, la valeur que l’on peut projeter dans le développement durable pour motiver au changement de comportement peut (doit) être pragmatique : "J’installe un panneau solaire sur mon toit parce que ça me permet d’économiser sur ma facture de fioul", " En recyclant ses déchets, cette entreprise récupère de l’espace de travail dans ses ateliers, voire gagne de l’argent par la revente". Cette position est donc concrètement mesurable, pragmatique : elle est bonne dans l’absolu car elle apporte un avantage concret à l’utilisateur.
Il est bien question de ne pas enfermer le développement durable dans un concept de régression que ses détracteurs ne manquent pas d’utiliser. Il est question d’un réel progrès, essentiellement qualitatif. Et d’un point de vue strictement économique, ce qui n’est pas dépensé bêtement ici est disponible pour autre chose. Nous approchons ainsi les théories de l’économie positive