"J'en ai marre d'être confrontée à une armée de lâches." Alors qu'elle s'apprête à reprendre sa place sur le banc du gouvernement, mardi 8 avril, pour la fin de la discussion à l'Assemblée nationale du projet de loi sur les OGM, Nathalie Kosciusko-Morizet a fait part au Monde de son exaspération.
Le matin, lors de la réunion hebdomadaire des députés UMP, la secrétaire d'Etat à l'écologie a été directement mise en cause après l'adoption de plusieurs amendements proposés par l'opposition. Pour Jean-François Copé, le président du groupe, elle est "à l'origine des problèmes". "Lorsqu'un gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée sur un amendement venant de la gauche, ça veut dire qu'en réalité il l'approuve", estime-t-il.
Depuis que, dans la nuit du mercredi 22 avril, a été adopté un amendement défendu par André Chassaigne (PCF, Puy-de-Dôme) limitant la culture des OGM, les esprits se sont échauffés dans la majorité, au sein de laquelle coexistent deux positions contradictoires.
L'"amendement 252", accusé de "déséquilibrer le texte" par les partisans des OGM, est en fait identique à celui qu'avait soutenu Louis Giscard d'Estaing (UMP, Puy-de-Dôme), sur lequel la secrétaire d'Etat s'en était remis à la "sagesse" de l'Assemblée mais qui avait ensuite été retiré à la demande du rapporteur, Antoine Herth (UMP, Bas-Rhin).
La gauche, elle, n'avait pas retiré le sien, et trois élus de l'UMP ainsi que le député du Nouveau Centre Philippe Folliot avaient joint leurs voix à celles de l'opposition, faisant ainsi basculer la majorité.
"BORLOO, QUAND IL VEUT, IL VIENT"
L'"affaire" a pris de telles proportions qu'elle a occupé la quasi-totalité du petit déjeuner de la majorité du mardi matin. Obligeant François Fillon à un ferme "recadrage" lors de la réunion du groupe, à laquelle Mme Kosciusko-Morizet était absente.
"L'amendement Chassaigne n'aurait pas dû être voté", a précisé le chef du gouvernement, s'engageant à faire en sorte qu'il soit supprimé en deuxième lecture au Sénat. Tour à tour, Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, et Valérie Pécresse, ministre de la recherche, l'ont approuvé. Et Michel Barnier, ministre de l'agriculture, a pu se féliciter "qu'il y ait une parole du gouvernement unique, vraiment unique".
Fauchée par ses collègues, la secrétaire d'Etat ne décolère pas. "J'appelle chacun à prendre ses responsabilités, répond-elle à ceux qui l'ont mise en cause. Il y a un concours de lâcheté et d'inélégance entre Jean-François Copé, qui essaie de détourner l'attention pour masquer ses propres difficultés au sein du groupe, et Jean-Louis Borloo, qui se contente d'assurer le minimum. Si le travail de préparation préalable avait été fait dans le groupe, cela ne se serait pas produit. Ce n'est pas normal qu'il y ait eu si peu de députés de la majorité en séance. Manifestement, Copé n'arrive pas à tenir le groupe. Quant à Jean-Louis [Borloo], j'attends avec impatience qu'il vienne exprimer la parole unique du gouvernement dans l'Hémicycle. Quand il veut, il vient."
Mme Kosciusko-Morizet a reçu le soutien de Greenpeace et de France Nature Environnement, qui dénoncent le "procès en sorcellerie" instruit contre elle par l'UMP.
Gaëlle Dupont et Patrick Roger
LE MONDE | 09.04.08 | 08h55