L'importance de l'exposition aux pesticides, notamment par voie alimentaire, est mise en évidence par deux études. La première, réalisée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et publiée fin avril, montre que 6 % des fruits et légumes testés présentaient des teneurs en pesticides dépassant la limite maximale de résidus (LMR). La seconde, présentée mercredi 7 mai par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), conclut que "les enfants franciliens sont exposés à des pesticides variés, dont certains interdits depuis plusieurs années, alors que leurs parents ne sont pas professionnellement exposés".
Sur les 3 500 échantillons de fruits et légumes prélevés en 2006 par la DGCCRF, 55,6 % ne contenaient pas de résidus de pesticides. Des teneurs inférieures à la LMR ont été détectées dans 38,4 % de ces échantillons.
Mais, pour les légumes, 6,3 % des échantillons sont non conformes, car excédant la LMR. "Les dépassements concernent essentiellement les poivrons et piments, les lentilles et les aubergines", précise la DGCCRF, qui indique que "les salades, les pommes de terre, les endives, les carottes et les tomates ont un taux de dépassement de la LMR inférieur à la moyenne".
Les pesticides sont plus fortement présents dans les fruits : 58,6 % des échantillons comportaient des résidus à des teneurs inférieures au maximum autorisé et 5,5 % étaient non conformes. "Les dépassements concernent essentiellement les fraises, les mandarines, les poires. Les oranges, les avocats et les pommes ont un taux de dépassement de la LMR inférieur à la moyenne", note la DGCCRF.
Le pourcentage de non-conformité a très légèrement diminué par rapport à l'année précédente, passant de 6,7 % à 6 %, mais les données de l'année 2004 indiquaient un taux de 3,9 %. Pour François Veillerette, président du Mouvement pour les droits et le respect des générations futures (MDRGF), ces chiffres "montrent l'urgence de mettre en application la mesure de réduction de l'usage des pesticides prise dans le cadre du Grenelle".
L'étude de l'Ineris, réalisée avec l'université Paris-V, a évalué l'exposition aux pesticides de 130 enfants répartis dans l'Ile-de-France, 73 vivant en pavillon et 57 en appartement. Un total de 31 composés (insecticides, herbicides et fongicides) a été pris en compte et les prélèvements ont été effectués dans l'air, sur les poussières au sol et sur les mains des enfants. Les produits du métabolisme des insecticides ont été recherchés dans les urines.
Au moins un produit de type pesticide se trouvait dans 94 % des logements : insecticide dans 93 % des cas, fongicide pour les plantes dans 30 % des cas et herbicide dans 32 %. Le lindane, un insecticide désormais interdit en France, était le pesticide le plus fréquemment retrouvé dans l'air (88 % des logements).
Le fait le plus marquant porte sur les pesticides organophosphorés : 70 % des enfants excrétaient au moins l'un des six métabolites urinaires des organophosphorés, alors que ceux-ci étaient détectés moins fréquemment dans l'environnement intérieur.
"Cela peut signifier qu'il existe une autre source d'exposition que celles que nous avons recherchées. Cela pourrait être la voie alimentaire, indique Olivier Blanchard, responsable de l'étude. Des prélèvements alimentaires seraient donc indispensables pour passer au stade des certitudes sur la voie alimentaire d'exposition aux pesticides."
LE MONDE 07.05.08
Paul Benkimoun Le Monde