Voici une étude de six économistes de la direction générale du trésor (ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi) pour le moins iconoclaste. Ce travail prospectif, poétiquement dénommé « impacts macroéconomiques du Grenelle de l’environnement », vient souffler le chaud et le froid sur la grand messe écologique des deux dernières années et ses conséquences. Alors que le gouvernement avait annoncé, avec tambours et trompettes, que ce Grenelle créerait les conditions de la croissance de demain, ces 6 fonctionnaires cassent, pour le moins, l’ambiance.
Côté chaud, les spécialistes du Trésor estiment que les mesures prises suite au Grenelle de l’environnement vont créer, à court terme, d’ici 2014, 200 000 emplois. Pour les économistes, les investissements réalisés dans les secteurs de l’énergie, le transport ou le bâtiment boosteraient le PIB de 2 %. Cela créerait 200 000 nouveaux emplois. Ce coup de fouet économique doperait donc, dans un premier temps, l’économie et l’emploi avec de 23 000 à 31 000 créations d’emploi par an.
Des « hypothèses très optimistes »
Mais le pic de ce développement devrait être atteint rapidement en 2014. Ensuite, et c’est là que les économistes du Trésor soufflent un vent glacial, « le net ralentissement puis l'arrêt des investissements, la hausse des prix et celle des prélèvements obligatoires nécessaires au financement des investissements annulent les gains économiques après 2020 », précise l'étude. Selon ce travail de prospective, le coût particulièrement élevé, pour les finances publiques des nouvelles infrastructures de transport par exemple, finirait par dégrader le PIB de 0,5 à 0,7 % par an. Avec à la clef entre 140 000 à 180 000 emplois détruits. Bref, on reviendrait à la case départ faisant du Grenelle une opération neutre pour l’emploi. Malicieux, les économistes estiment que leur évaluation repose sur des « hypothèses très optimistes »…
Le “paquet énergie-climat”, mis en oeuvre dans le cadre du Grenelle de l’environnement dopera la croissance et l’emploi en France à court terme mais ces effets seront annulés par la suite et l’impact deviendra même négatif à long terme, selon une étude par la Direction Générale du Trésor.L’objectif de l’étude est d’évaluer l’impact macroéconomique des investissements mis en oeuvre dans le cadre du Grenelle de l’environnement, dans les domaines des transports, du bâtiment et des énergies renouvelables. L’étude, fondée sur le modèle macroéconomique Trésor-Insee Mésange, montre que les mesures du Grenelle de l’environnement ont un impact favorable sur le PIB et l’emploi à court terme du fait des effets multiplicateurs des investissements déclenchés. À moyen-long terme, le ralentissement puis l’arrêt des investissements, la hausse des prix, et celle des prélèvements obligatoires nécessaire au financement des investissements, annulent les gains économiques du Grenelle après 2020.
Dans le cadre du “paquet énergie-climat”, la France a pris un certain nombre d’engagements : participer à l’objectif communautaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20% en 2020 par rapport à 1990 avec d’une part l’objectif européen global de réduction de 21% des émissions pour les installations soumises au système de quotas ETS et d’autre part un objectif national de réduction des émissions de 14% en 2020 par rapport à 2005 pour le secteur hors ETS, porter à 23% la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie à horizon 2020, et utiliser 10% d’énergie d’origine renouvelable dans le secteur des transports. Pour faire face à ces engagements forts, la France s’est lancée dans un programme ambitieux d’investissements dans les secteurs du bâtiment, des énergies renouvelables et des infrastructures de transports, initié suite au Grenelle de l’environnement. Les objectifs ont été fixés dans le cadre des lois dites Grenelle 1 et Grenelle 2.
Un exercice d’évaluation de l’impact macroéconomique des investissements mis en oeuvre dans le cadre du Grenelle de l’environnement (dans les domaines des transports, du bâtiment et des énergies renouvelables) a été conduit à l’aide du modèle macroéconomique Trésor-Insee Mésange. Cette analyse a été menée par rapport à un scénario de référence fictif, construit principalement sur l’idée que le Grenelle de l’environnement conduit à anticiper un certain nombre de dépenses d’investissements. Elle permet de tenir compte des répercussions sur l’ensemble de l’économie et sur les finances publiques des investissements publics et privés mis en jeu. Au-delà de l’effet temporaire lié à un surcroît de dépenses d’investissement, l’étude intègre les effets positifs sur l’activité induits par les économies d’énergie, mais aussi les effets de ce programme sur les autres secteurs de l’économie (stimulation ou éviction). En outre, elle prend en compte la contrainte budgétaire qui pèse sur les ménages et les pouvoirs publics qui doivent tous deux financer les investissements.
- Les principaux résultats de l’étude sont les suivants:
- À court et moyen terme, la croissance et l’emploi sont stimulés par ces investissements et par la réduction des importations de combustibles fossiles auxquelles se substitue en partie la production nationale.
Jusqu’en 2020, les effets multiplicateurs de ces investissements dominent l’impact négatif du financement de leur coût sur l’économie. Le surcroît d’activité attendu est compris entre 0,4% et 0,5% la première année dans tous les scénarios, pour atteindre un maximum en 2014 entre 1,6% et 1,9%. En 2020, les quatre scénarios conduisent à un PIB plus élevé de 0,4% à 0,8% par rapport au scénario de référence. Selon les scénarios, l’économie compte entre 200.000 et 250.000 emplois supplémentaires au plus fort des dix premières années.
- Cependant, le net ralentissement puis l’arrêt des investissements, la hausse des prix et celle des prélèvements obligatoires nécessaires au financement des investissements annulent les gains économiques du Grenelle après 2020, par rapport au scénario de référence.
Les impacts sur le PIB et l’emploi deviennent négatifs à partir de 2021. La modification des hypothèses sur le prix de l’énergie et l’inclusion ou non des avantages socio-économiques générés par les investissements dans l’analyse ne modifient que légèrement ces résultats.
Comme tout exercice de simulation, les résultats présentés font appel à plusieurs hypothèses, y compris de modélisation, et doivent donc être considérés avec prudence. Ainsi, sauf en ce qui concerne l’effet de l’investissement accru en infrastructures de transport ferroviaire, n’est pas pris en compte le fait qu’à long terme, le Grenelle de l’environnement enclenchera des effets positifs durables s’il induit une accélération et un surcroît d’innovation par rapport à nos partenaires commerciaux, de telle sorte que la compétitivité-qualité de la France en soit sensiblement améliorée.
Téléchargez l’étude: “Impacts macroéconomiques du Grenelle de l’Environnement”, de la Direction Générale du Trésor