On connaît bien maintenant le "compteur intelligent" qui permet un suivi minute par minute des consommations. Mais ce n'est qu'un aspect du "réseau intelligent", qui implique de gérer bien d'autres contraintes coome par exemple de collecter et de gérer des masses considérables de données.
Avec le lancement de l'expérimentation Linky, 300 000 foyers vont être équipés de compteurs intelligents avant une généralisation en 2012. Pourtant, ce déploiement des Linky n'est qu'un pré-requis à l'avènement d'un réseau intelligent.
Connaître en temps réel la consommation des utilisateurs et pouvoir effectuer des opérations à distance constituent un smart-metering -à savoir une lecture intelligente des compteurs-, déjà installé dans de nombreux pays, comme l'Italie ou les Etats-Unis. Hier, 35 millions de points de consommation en France n'étaient relevés que tous les six mois. Demain, ils pourront l'être toutes les dix minutes! Mais, au-delà de cette remontée de données, un réel smart-grid devra optimiser bien d'autres contraintes subies par le réseau. Productions décentralisées, perspectives nouvelles de stockages, voitures électriques: le nombre de données à agréger et à analyser va exploser.
DES OUTILS INFORMATIQUES COMPLEXES
Pour relever ce défi des smarts-grids, des outils informatiques très complexes vont être implémentés. Ils devront permettre d'optimiser les évolutions. Quelles sont ces évolutions ?
D'abord, l'intégration des énergies décentralisées. Celles-ci, en particulier solaires et éoliennes, sont en plein boom. Elles sont très chères aux défenseurs des énergies vertes. De nature intermittente, ces énergies nuisent parfois à la stabilité du réseau, pouvant provoquer des coupures, comme cela a déjà été le cas en Allemagne. Grâce à un meilleur suivi du réseau, des arbitrages plus précis entre le soutirage d'énergie, l'injection de renouvelables ou le stockage pourra être fait de manière efficace.
En parallèle, les promesses du stockage de l'énergie pourront permettre l'usage à pleine puissance des énergies renouvelables en stockant l'électricité produite à des moments où elle n'est pas nécessaire, palliant de cette manière au principal défaut des énergies décentralisées. Si d'autres avancées techniques sont encore à l'étude, il est probable que le stockage par pompage hydraulique (consistant à utiliser l'énergie électrique disponible pour emmagasiner de l'eau qui produira plus tard de l'hydroélectricité) et l'utilisation des batteries des véhicules électriques lorsqu'ils sont inutilisés, seront les premières à voir le jour. Mais pour que le stockage joue à plein, il faudra bien les intégrer à la logique de smart-grids afin de bien réinsérer l'énergie et faire émerger le fameux concept de vehicle-to-grid (V2G).
Enfin, le business model des offres d'effacement des pics de demandes reste toujours à trouver. On peut utiliser la voie tarifaire, en proposant des tarifs avantageux aux clients s'engageant à limiter leur consommation en période de forte demande, ou la voie technologique en éteignant sélectivement des appareils énergivores pendant une courte durée (effacement dit « diffus »). Dans l'un ou l'autre cas, lisser les pics de consommation permet d'éviter les saturations de réseau, en particulier dans les régions en bout de réseau (comme la Bretagne ou la région PACA).
De plus, les pics de consommation nécessitent d'avoir recours à une électricité dite de pointe, généralement produite par des moyens de production très carboné. Lisser le pic aura donc un impact direct sur l'environnement et les émissions de CO2. Aux Etats-Unis par exemple, 5% de baisse des pics de consommation éviterait l'utilisation de 625 centrales thermiques, soit 3M$ d'économies annuelle!
DES PROBLEMES A TRAITER ENSEMBLE
Ainsi, toutes les contraintes subies par le réseau devront désormais être traiter de façon corrélée pour mieux en tirer profit: rien que l'exemple du véhicule électrique, autrefois perçu comme une contrainte réseau et maintenant transformé en variable d'ajustement des réseaux de distribution, montre que les recouvrements entre le stockage, les énergies renouvelables et l'effacement des pointes sont forts et qu'ils ne peuvent plus être traités indépendamment les uns des autres. Il faut donc, au-delà de l'agrégation des données multiples, mettre en place des systèmes d'information qui permettent leur analyse et des plans d'actions associés. En respectant bien sûr la vie privée des acteurs du réseau. Ils restent à inventer, mais l'incitation est forte ! Des marchés sont à prendre : les investissements s'élèvent à plus de 7 milliards de dollars pour la Chine et les Etats-Unis, rien que pour 2010....
Diplômé de l'Ecole Supérieure d'Electricité (Supélec), Nicolas Goldberg est consultant chez Sia Conseil. Il intervient en appui des clients de Sia Conseil, notamment sur les problématiques de smart metering et de maîtrise de la demande énergétique (MDE).