Vous avez participé à une importante étude sur la réduction des pesticides, appelée Ecophyto R&D. Dans ce domaine, où se situe la France par rapport à d’autres pays européens?
L’objectif de réduction de l’utilisation des pesticides de 50%, qui figure dans le Grenelle de l’Environnement, a déjà été adopté il y assez longtemps par d’autres pays, notamment les Pays-Bas et le Danemark. Nous ne sommes pas pionniers en la matière.
Comment explique-t-on le décalage de la France par rapport à ces pays?
Nous sommes parmi les plus gros utilisateurs de phytosanitaires au monde. Mais ce n’est pas seulement parce que nos agriculteurs sont plus amoureux des pesticides que d’autres. Nous avons des productions spécifiques, comme la vigne. Celle-ci est un très gros consommateur de produits, et n’est pas présente dans les pays du nord de l’Europe. Nous avons aussi des productions fruitières, qui consomment beaucoup de ces produits.
Pourrait-on mener une étude comme Ecophyto R&D sur le plan européen?
Il serait très intéressant de mener une telle étude pour voir comment les Etats peuvent réduire de façon concrète l’usage des pesticides de façon convergente au niveau européen. Cela pourrait se faire dans le cadre de la directive cadre sur l’utilisation durable des pesticides. Tout ce qui peut permettre de poser des problème collectivement est important.
Il y aurait également un intérêt sur le plan commercial: nos agriculteurs pensent que leur imposer des contraintes plus fortes que celles subies par leurs concurrents européens revient à introduire une distorsion de concurrence et constitue un handicap pour leurs produits.
Mais lorsque la directive européenne sur les pesticides sera transposée en droit français, il faudra sans doute définir ce qu’est notre protection intégrée.
Quelles sont les prochaines étapes du processus?
Il faut proposer aux agriculteurs des solutions qui les convainquent. Ils peuvent utiliser moins de pesticides sans prendre des risques majeurs en termes de production.
La mise en œuvre du plan Ecophyto 2018 permettra de suivre ce qui se passe sur le plan national, et notamment les difficultés que peuvent rencontrer les agriculteurs. Evidemment, il ne s’agit pas de mettre en péril les résultats économiques. On sait très bien que si les agriculteurs ne gagnent pas d’argent, ils n’utiliseront certes pas de pesticides, mais feront autre chose. Et l’enjeu n’est pas que les agriculteurs abandonnent leur production.
L’objectif de réduction de 50% est-il atteignable?
Nous pouvons arriver aux alentours de 30% sans changer fondamentalement les systèmes de production. Au-delà, pour passer à 50%, il faut vraiment changer de système, notamment en introduisant des cultures nouvelles et en faisant des rotations plus longues.
Cela ne dépend pas seulement de la capacité des agriculteurs, mais aussi de la mise sur pied de nouveaux marchés, de l’organisation d’un système à la fois de fourniture de produits aux agriculteurs –par exemple des semences– puis d’acheteurs. Cela implique aussi des baisses de production qui seraient plus fortes. En tout état de cause, une réduction de 50% impliquerait des changements profonds.
Aurons-nous atteints les 50% dans dix ans? Personne n’est capable de le prévoir. Mais ce n’est peut-être pas essentiel. L’essentiel est de créer une vraie dynamique et que la consommation commence à se réduire significativement dans les années à venir.
Inra: Ecophyto R&D
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