Al Gore, l'ex vice-président américain, sera à Cannes vendredi 22 juin, invité du Festival international de la publicité. L'occasion pour lui de sensibiliser les publicitaires du monde entier aux enjeux écologiques. Tout un symbole. Car l'argument écologique est de plus en plus prisé par les publicitaires. Au point que certaines marques n'hésitent pas à se parer de vertus "vertes" sans aucune légitimité.
L'Alliance pour la planète, qui regroupe des associations françaises de défense de l'environnement, vient ainsi de pointer un nouvel exemple de publicité pratiquant le "blanchiment écologique", attitude qu'elle dénonce. Cette campagne pour un 4 × 4 de Mitsubishi met en avant l'origine japonaise du véhicule en soulignant que ce pays a signé le protocole de Kyoto et le présente avec le mot "respect" et une petite fleur dessinés sur la poussière recouvrant la carrosserie.
L'Alliance pour la planète avait créé un premier électrochoc en décembre 2006, en épinglant 30 campagnes coupables à ses yeux d'abuser des arguments écologiques. L'organisme dénonçait alors l'insuffisance des contrôles et mettait en cause le Bureau de vérification de la publicité (BVP), organisme professionnel qui définit les règles de bonne conduite du milieu et est censé les faire appliquer.
Le BVP a décidé de réagir en organisant, jeudi 14 juin, un colloque sur le thème de la publicité et du développement durable. Pour alimenter le débat, il a mené sa propre étude avec le concours de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) et examiné une partie de la production publicitaire en télévision, affichage et presse du second semestre 2006.
REVOIR LES RÈGLES
Premier constat, selon le BVP : l'argument écologique est encore peu utilisé. Sur 15 000 visuels analysés, seulement 181 ont été considérés comme pertinents. Parmi ces campagnes, 11 ont fait l'objet d'un classement en "manquement" pour non respect flagrant des règles en vigueur et 54 ont fait l'objet de "réserves" parce que certaines règles n'étaient pas respectées. Le nombre de "cas à problème" n'est pas négligeable.
Les publicités pour les 4 × 4 sont les plus épinglées. Comme le spot télévisé pour la Range Rover
" Deux types de publicité nous posent problème : quand on vous vend un produit qui a un impact sur l'environnement comme étant écologique, cas le plus visible ; mais aussi quand la publicité induit un comportement non responsable", explique Nadia Boeglin, conseillère de la présidente de l'Ademe.
Le BVP a pu croiser son regard avec celui de l'Ademe. " Nous n'étions pas d'accord sur tout", reconnaît Anne Chanon, du BVP. Mais les deux s'accordent sur la nécessité de revoir les règles que les publicitaires s'appliquent. Toujours avec l'Ademe ? " Non, ce sont les professionnels qui les rédigeront", affirme Mme Chanon. Cette révision est d'autant plus nécessaire que les Français sont sensibles à ce sujet. Selon une étude Ipsos pour le BVP, ils sont 82 % à estimer que l'environnement est un sujet important. Et face à une publicité mettant en avant des arguments écologiques, ils ne sont que 9 % à penser que "c'est très certainement vrai".
L'Alliance pour la planète, qui ne participe pas au colloque du BVP, a lancé mercredi 13 juin l'Observatoire indépendant de la publicité (OIP). L'objectif : assurer une veille, lancer des alertes à l'encontre des publicités irresponsables en matière d'environnement et présenter chaque année un rapport sur le sujet. Elle demande aussi la création " d'une instance indépendante regroupant pouvoirs publics, associations et professionnels pour contrôler et sanctionner les activités publicitaires irresponsables en matière d'environnement".
Laurence Girard
Article paru dans l'édition du MONDE | 14.06.07