Eleveurs de porcs et défenseurs de l'environnement s'opposent autour d'un vaste projet de transfert de fortes quantités de déjections animales (lisier) dans l'est de la Bretagne, région très sensibilisée aux problèmes de pollution des eaux.
Contenant de l'azote, baptisée plus communément nitrate, le lisier est utile jusqu'à une certaine dose pour la terre qu'il permet de fertiliser en réduisant les apports extérieurs d'engrais. Mais, à trop forte dose, il entraîne une pollution des eaux et des rivières, à l'origine en particulier du phénomène des algues vertes en été sur certaines côtes.
L'idée du Groupement d'intérêt économique (GIE) Terre Eau, regroupant 107 élevages, est de transférer 36.000 tonnes de lisier, de cantons en surcharge d'azote vers d'autres, où la teneur des sols est inférieure à la limite prescrite de 140 unités d'azote à l'hectare.
Le transfert se ferait de la région de Vitré (Ille-et-Vilaine) vers celle de Rennes. Il concernerait une surface de 4.266 hectares répartie sur plusieurs communes de l'agglomération rennaise. Ce projet rencontre une forte opposition des riverains, des associations de protection de l'environnement, comme de certains élus.
Pour ceux-ci, ce projet de rééquilibrage risque d'être un remède pire que la pollution qu'il entend réduire. Pour Jean-Claude Haigron, maire de Vern-sur-Seiche et représentant des élus de 28 communes hostiles au projet, "c'est une aberration d'exporter par semi-remorques entiers ce lisier, ce qui amènera de nouvelles exploitations à leur niveau maximum de pollution".
"Ce qui est épandu est tout à fait équilibré pour les cultures. Nous suivons des règles d'épandage strictes, en utilisant les dernières technologies. Le projet sera accompagné par la Chambre d'agriculture et tout sera très suivi au point de vue administratif", répond le président de la Chambre d'agriculture d'Ille-et-Vilaine et membre du GIE, Joseph Ménard.
Fin janvier, une commission d'enquête publique avait reconnu les inconvénients et les risques de pollution présentés par ce projet et rendu un avis défavorable.
Malgré toutes ces réserves, le Coderst (Conseil départemental de l'environnement, des risques sanitaires et technologiques), appelé à se prononcer à son tour, en préparation de l'avis préfectoral, s'est déclaré favorable au projet du GIE, le 22 mai.
Mais en attendant la décision du préfet, deux visions différentes de l'agriculture s'affrontent.
"Les écologistes veulent que la production agricole baisse en Bretagne. Mais la conséquence sera la baisse de l'emploi et l'importation de poulets de Thaïlande ou du Brésil, des pays qui ont peu de respect pour l'environnement, le social et la qualité", estime Joseph Ménard.
Quant au maire de Vern-sur-Seiche, il aimerait que l'Etat "aide les agriculteurs à trouver des solution d'avenir, comme les stations de traitement collectifs, plutôt que de payer des pénalités à l'Union européenne", en raison de la pollution par les nitrates de sources d'eau potable en Bretagne.
Début juillet, Jean-Claude Haigron a écrit au ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, pour lui demander de recevoir les élus des 28 communes opposées au projet.