Depuis la fin des années 1990, 20 à 25 ours, soit quatre cinquième de la population, ont disparu sans laisser de traces des forêts de Basse-Autriche et de Styrie. Il ne resterait plus que quatre animaux, dont une seule femelle, Elsa. La police criminelle autrichienne, alertée par le Fonds mondial pour la nature (WWF), a ouvert une enquête.
Trois hypothèses peuvent expliquer leur disparition, estime Christoph Waldner, du WWF : la mort naturelle, l'émigration ou une intervention criminelle de l'homme. Criminelle, car les ours appartiennent à une espèce strictement protégée. Leur chasse et leur capture sont interdites et passibles en Autriche d'une peine maximale de trois ans de prison.
Pour ce spécialiste des plantigrades, un si grand nombre d'animaux sains n'ont pas pu périr si rapidement de mort naturelle. D'autant qu'aucun cadavre n'a été retrouvé. L'hypothèse migratoire semble exclue : aucun de ces ours n'a été repéré de l'autre côté des frontières slovènes ou italiennes. Le plus vraisemblable est donc qu'ils aient été abattus par des chasseurs... ou victimes d'une confusion. "Ces dernières années, les sangliers, qu'il est permis de chasser de nuit, pénètrent les territoires des ours", note Georg Grauer. "Avocat des ours", ce zoologue intervient lorsque des déprédations sont signalées : "Dans le passé, on recensait une vingtaine de cas par an, allant de destructions à la consommation d'huile de colza, et très rarement à l'attaque d'un mouton." Pas de quoi fouetter un ours ni déclencher une vendetta organisée, estime-t-il. Mais les agriculteurs outragés sont souvent des chasseurs. Christl, disparue en 1998 sans laisser de traces, a-t-elle été l'objet d'un règlement de comptes ? Son penchant pour l'huile de colza et son effronterie étaient proverbiales dans la région.
ENQUÊTE CRIMINELLE
Depuis 2006, des agents de la police criminelle recueillent indices et témoignages. Sans succès pour le moment. Deux ours empaillés ont pu être retrouvés, mais le premier, comme l'a révélé un test ADN, provenait de Roumanie. Le second appartenait bien au groupe autrichien, mais son meurtrier présumé étant décédé, l'enquête a tourné court.
Une étude conduite par les universités de Vienne et de Friburg a conclu que les Alpes orientales pourraient accueillir, au total, un millier d'ours. Or on n'en compte plus que 38. Sans mesures pour les protéger et stimuler les échanges entre les populations autrichiennes, italiennes et slovènes, la situation ne pourra qu'empirer. "Faute de mixité, le patrimoine génétique s'appauvrit", regrette M. Waldner, qui rappelle que si Elsa ne donne pas de nouvelle portée, les ours autrichiens sont condamnés à l'extinction.
Laurence Monnot
Article paru dans l'édition du 24.01.08.