Par Corinne Lepage
L’annonce de la hausse du prix de l’électricité illustre à la fois l’art consommé du mensonge au regard du prétendu financement massif des énergies renouvelables et l’incompétence caractérisée des décideurs politiques français en ce qui concerne la politique de l’énergie. Le prix de l’électricité est moins élevé en France que dans nombre de pays européens. Ce choix historique et délibéré était destiné à favoriser le chauffage électrique pour assurer la vente de l’électricité nucléaire en surcapacité. Le contribuable a en effet financé les investissements d’EDF et en bénéficie aujourd’hui, même si cette politique nous a fait perdre 30 ans en terme d’efficacité énergétique et 20 ans en terme de développement d’énergies renouvelables.
Aujourd’hui, le choix français est à l’opposé du choix allemand et va creuser de manière abyssale nos déficits industriels, économiques, commerciaux et financiers.
En effet, contrairement aux mensonges publics, la hausse du prix de l’électricité n’est pas destiné à financer des énergies renouvelables… Pour la bonne et simple raison que le gouvernement s’acharne à empêcher leur développement et à les détruire si elles parviennent néanmoins à croître. Après avoir scientifiquement détruit la capacité française de développer une filière éolienne, il s’est attaqué avec la même efficacité à la filière solaire et plus précisément photovoltaïque dont les tarifs de rachat viennent d’être très brutalement baissés en même temps que l’avantage fiscal qui y était attaché était considérablement réduit.
On risquait d’atteindre en 2012 les objectifs de 2020 ! Quelle catastrophe !
De surcroît, on risquait de voir apparaître une filière industrielle française qui aurait pu revendiquer d’être traitée comme un employeur français… quel scandale !
Financer le statu quo
D’où haro sur la « spéculation » du solaire après la descente en flamme de l’éolien coupable de défigurer les beaux paysages de France merveilleusement respectés par les centrales nucléaires et les couloirs de ligne à haute tension qu’elles génèrent. La hausse des prix de l’électricité est donc présentée comme la nécessité de compenser le coût du rachat des énergies vertes. Faux. Pour 2010, la Commission de Régulation de l’Energie rappelle que le financement des énergies renouvelables pèse pour 24 % de la taxe quand la cogénération gaz pèse 32 % et la péréquation tarifaire 41%.
La hausse du prix n’est donc pas destinée à permettre à la France d’atteindre son objectif virtuel et purement publicitaire de 23% d’énergies renouvelables en 2020. Elle est destinée d’abord à renflouer EDF qui peine après ses investissements absurdes dans Constellation aux Etats-Unis. La situation de trésorerie est si préoccupante que le gouvernement a autorisé en catimini EDF à vendre ses filiales britanniques au secteur privé. Ainsi, la hausse du prix de l’électricité est d’abord la contribution de l’usager français à la folie des grandeurs d’EDF à l’international, demain peut être au mercato nucléaire pour financer le rachat par EDF du capital d’Areva.
Mais c’est avant tout le financement du fiasco que représente l’EPR dont le coût a augmenté de 50% ainsi que le coût des travaux nécessaires à la prolongation de la durée de vie des centrales. Et c’est là que la politique française est à l’inverse de la politique allemande, inscrite dans le XXIéme siècle et qui vise à couvrir 80 % de ses besoins en électricité et 50 % de ses besoins en énergies grâce aux énergies renouvelables à l’horizon 2050. Le financement à hauteur de 20 milliards d’euros par an sera financé par le public et par les exploitants de centrales nucléaires puisque, 60 % des profits générés par l’allongement de la durée de vie des centrales iront à l’État sous la forme de taxes ou d’investissements dans les énergies renouvelables.
En France, c’est exactement le contraire. L’usager est prié de financer l’allongement de la durée de vie des centrales. Le nucléaire est chargé d’empêcher le développement des filières renouvelables et ainsi l’usager non seulement ne finance pas les filières du renouvelable par l’augmentation des tarifs mais finance leur enterrement progressif.
En définitive, le citoyen français perd trois fois :
- il paye plus cher (6% en 6 mois, 6% dans 6 mois s’ajoutant aux hausses précédentes, c’est-à-dire le plan Gadonneix qui avait au moins eu l’honnêteté de reconnaître que la hausse des prix était pour les investissements nucléaires) et perd le bénéfice de la rente qu’il a pourtant payé comme contribuable
- il ne finance pas le développement de filières françaises d’Enr et se condamne au nucléaire à l’intérieur ou à l’importation de sources et d’électricité vertes
- il s’expose à un risque nucléaire croissant en raison des pressions exercées par les exploitants pour réduire les coûts, donc la sûreté, pour réduire les exigences de l’ ASN sur les conditions de renouvellement des centrales et de construction de l’EPR.
C’est sans doute ce que nos grands dirigeants appellent un développement durable
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