Comme les nuages radioactifs, qui ne connaissent pas de frontières, les drames ne se cantonneront pas toujours à l'autre côté du monde. Celui qui se noue depuis vendredi au Japon a relancé le débat du nucléaire en France et pointé du doigt le Sud-Est où l'on dénombre trois réacteurs (Tricastin, Marcoule et Cadarache) installés sur des failles sismiques. Fessenheim est également installé sur une faille sismique.
La France ne fait pas partie des principales zones sismiques du globe. Mais le séisme de Provence de 1909 (Lambesc, 6,2 sur l'échelle de Richter), appelle néanmoins, à la vigilance sur ce risque. La région du Sud-Est, qui est la plus nucléarisée de France, voire d'Europe, est menacée de séismes liés à la poussée de la plaque Afrique qui active la faille d'Aix-en-Provence-Durance, sur laquelle est construit le centre nucléaire de Cadarache, et les grandes failles d'Alès et de Nîmes qui encadrent les centres de Marcoule et du Tricastin. Des dégâts sur les réacteurs du Tricastin ou de Cruas, et sur les centres nucléaires de Marcoule et Cadarache seraient d'autant plus graves qu'on y trouve toute l'industrie du plutonium et de l'uranium.
Forte probabilité de séisme
Un scénario « japonais » avec séisme et tsunami est-il reproduisible en Paca, où l'on retrouve également les activités nucléaires de la Défense regroupés dans le périmètre de la base navale de Toulon ? Les spécialistes s'accordent à dire que la Méditerranée ne peut générer des tsunamis de grande ampleur. En revanche, depuis le 22 octobre 2010, la France dispose d'un nouveau zonage sismique divisant le territoire en cinq zones de sismicité croissante qui met en exergue une forte probabilité d'occurrence en Paca et notamment dans les Alpes-Maritimes, les basses Alpes et la vallée du Rhône.
Cela pose clairement la question de la résistance des centrales nucléaires actuelles et vieillissantes à des mouvements terrestres. Sont-elles suffisamment fiables ?
« Non », affirment de nombreuses voix qui s'élèvent et réclament à grands cris l'arrêt pur et simple du nucléaire en France.
« Oui », explique-t-on chez EDF pour la centrale du Tricastin : « Elle a été conçue pour résister à un séisme deux fois plus important que le plus grand séisme de ces mille dernières années. »
« Oui », dit-on chez Areva où l'on produit le combustible qui sera ensuite exploité par la centrale d'EDF : « L'usine d'enrichissement de l'uranium est bâtie en fonction de normes très sévères en termes de risques sismiques. »
« Oui », affirme-t-on encore chez Areva à Marcoule (Gard), l'un des plus anciens sites nucléaires de France : « Même dans les situations les plus pénalisantes, il n'y aurait pas d'impact significatif sur les populations. »
Le CEA de Cadarache est tout aussi catégorique : « Nous ne pouvons pas connaître ce qui arrive aux Japonais... »
Cadarache rappelé à l'ordre
Sauf qu'il a été rappelé l'an dernier à l'ordre par l'autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme du nucléaire en France et qu'il se fait lourdement prier depuis 2004 pour effectuer de nécessaires et coûteuses rénovations techniques concernant notamment son laboratoire d'études et de fabrication expérimentales de combustibles avancés. À Cadarache, plusieurs bâtiments conformes aux normes sismiques de l'époque doivent en fait être rénovés pour faire face à l'évolution des normes. En revanche, tout à côté où grandit toujours le projet international Iter, le risque sismique, est pleinement pris en compte...
Mais Jean-Marie Brom, le physicien porte-parole du mouvement « Sortir du nucléaire » se fait fort aujourd'hui de rappeler cette inquiétante évidence : « Les Japonais, qui sont plus sérieux que nous sur ce dossier des tremblements de terre sont complètement dépassés, ça veut tout dire... La nature est toujours la plus forte. Le danger est là, qui nous menace surtout en Paca... »