"Tu ne réchaufferas point l'atmosphère": du simple pasteur à l'évêque le plus éminent, l'Eglise luthérienne de Norvège se mobilise contre le CO2 et les autres gaz à effet de serre dans une croisade des temps modernes dont l'enjeu n'est rien moins que le salut de la planète.
Installation de râteliers à vélos sur le parvis des églises, baisse du thermostat dans les lieux de culte, prières pour le climat: l'Eglise luthérienne multiplie les gestes pour se fondre dans la société "zéro émission" que le pays scandinave ambitionne de devenir en 2050.
"L'Eglise s'est toujours engagée pour des causes sociales et éthiques", explique Helen Bjoernoey, ministre norvégienne de l'Environnement, elle-même... pasteur de formation.
"Elle a été très impliquée dans la lutte contre l'apartheid et dans la lutte contre la pauvreté. C'est donc naturel qu'elle s'engage aussi dans le dossier le plus important du moment: le climat", affirme-t-elle à l'AFP.
Dans le cadre de la Journée mondiale de l'environnement, le 5 juin, pour laquelle la cité norvégienne de Tromsoe dans l'Arctique a été retenue comme ville-hôte, l'Eglise de Norvège a institué une Journée de l'oeuvre du Créateur.
Chaque paroisse est invitée à cette occasion à adopter une liturgie spéciale.
"Nous admettons dans notre avidité et étroitesse d'esprit avoir troublé le cours délicat qui règle les courants marins, la météo, la pluie et le soleil", énonce le texte de contrition. "Dieu éternel, dans ta grande miséricorde, change nos coeurs", conclut-il.
Toujours pour l'occasion, l'ancien archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu traversera la moitié de la planète pour prononcer une messe oecuménique en faveur du climat le 3 juin à Tromsoe.
"Nous devons tous partager la même cause, que l'on soit protestant, laïc, musulman ou bouddhiste. C'est la responsabilité de tous les hommes de transmettre un cadre de vie acceptable aux futures générations", estime Mme Bjoernoey.
Au jour le jour, l'Eglise tente de sensibiliser ses ouailles aux enjeux climatiques, tout en faisant la chasse aux émissions de CO2 chez elle.
Elle a créé un label "paroisse verte" attribué aux paroisses obéissant à certaines règles, telles l'utilisation du papier recto-verso, le recyclage des déchets, l'achat parcimonieux de fournitures, l'organisation d'une messe en plein-air ou la tenue d'un prêche sur l'environnement au moins une fois par an.
"Dans la Bible, l'homme n'est pas le maître de la nature mais son protecteur. Il doit l'exploiter avec respect", assure Hans-Jürgen Schorre, responsable des questions sociales au sein de l'Eglise de Norvège.
Joignant le geste à la bonne parole, quatre pasteurs ont parcouru à vélo les 480 km montagneux qui séparent Bergen et Oslo en 2005, afin d'obtenir que les déplacements professionnels sur deux-roues soient défrayés au même titre que les déplacements motorisés.
"Les pasteurs sont des personnes-clés parce que leur rôle, c'est de changer les comportements. C'est chose difficile mais il faut montrer que tout le monde peut contribuer en se fixant des objectifs accessibles", déclare Ingeborg Midttoemme, présidente de la Fédération des pasteurs.
La cohérence n'est pas toujours de mise: une partie des fonds de l'Eglise, gérés par un organisme distinct, est ainsi investie dans le capital de compagnies pétrolières et de transporteurs aériens, deux secteurs "climatiquement peu corrects".
Mais la Norvège est coutumière des paradoxes: si elle entend devenir "neutre en carbone" à l'horizon 2050 --en réduisant ses rejets de CO2 et par des achats de crédits d'émission--, elle est aujourd'hui l'un des principaux exportateurs de pétrole au monde.