Si l’on calcule le « coût humain » du réchauffement climatique, les pays se verront contraints d’écouter et de prendre note, selon un ancien haut responsable des Nations Unies.
« La plupart des gens ne se sentent pas concernés par les projections de hausse de températures ou par l’impact des changements climatiques sur l’économie ; mais si l’on établit un lien entre les prévisions de réchauffement climatique et des décès potentiels, alors les pays seront contraints d’envisager des plans de prévention », a observé Yvette Stevens, ancienne coordinatrice adjointe des secours d’urgence des Nations Unies.
« Nous avons besoin d’un “rapport Stern” sur le coût humain ; les gens ne sont pas motivés par l’impact du réchauffement climatique sur le Produit intérieur brut (PIB) des pays », a ajouté Mme Stevens, qui a quitté l’ONU récemment pour prendre sa retraite.
Selon le « Rapport Stern sur l’économie du changement climatique », rédigé en 2006 par l’économiste Nicholas Stern pour le compte du gouvernement britannique, si les pays ne maîtrisent pas leurs émissions à effet de serre, le coût global des changements climatiques équivaudrait à une perte d’au moins cinq pour cent de leur PIB global chaque année. En revanche, toujours d’après le rapport, le coût d’une réduction des émissions en vue d’éviter les effets les plus graves du réchauffement climatique s’élèverait à un pour cent du PIB global chaque année.
Jusqu’à présent, les projections et autres prévisions de réchauffement climatique n’ont pas réussi à inciter une majorité de pays à élaborer des plans d’action nationaux.
Molly Hellmuth, une scientifique de l’Institut international de recherche pour le climat et la société, sis aux Etats-Unis, a observé que seuls 49 des pays les moins avancés (PMA) avaient élaboré des Programmes d’action en faveur d’une adaptation climatique nationale, comme requis par la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.
« La plupart des pays les moins avancés n’ont pas la capacité d’élaborer de tels plans, ils ont d’autres priorités en matière de développement », a-t-elle noté.
Les pays en voie de développement ont besoin de fonds pour renforcer leurs capacités. Si l’on calculait les coûts humains, cela permettrait de récolter ces fonds, selon Mme Stevens, comme ce fut le cas à la suite du tsunami de 2004, survenu dans l’océan Indien. Plus de 220 000 personnes avaient été emportées par ces vagues colossales, et la somme sans précédent de 1 000 dollars d’aide par personne sinistrée avait été collectée.
« Les décès incitent les populations à faire pression sur leurs gouvernements pour les forcer à agir, à organiser ou à financer des plans d’action », a dit Mme Stevens.
« En nous basant sur de nouvelles méthodes de calcul des coûts, nous estimons que le coût [du changement climatique] s’élèvera au moins à 50 milliards de dollars par an, et beaucoup plus encore si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites rapidement », peut-on lire dans « L’adaptation au changement climatique : Ce dont les pays pauvres ont besoin et qui devrait payer », un document d’information récemment publié par l’agence de développement britannique Oxfam. Cette somme est bien supérieure aux prévisions de la Banque mondiale, soit entre 10 et 40 milliards par an.
Malgré tout, peu d’argent a été versé dans les caisses des pays pauvres, qui ressentent déjà l’impact du réchauffement climatique. Au Malawi, des pluies erratiques ont forcé les paysans à vendre leur bétail pour planter des cultures à croissance rapide. Les villageois du Bangladesh ont créé des potagers flottants afin de préserver leurs moyens de subsistance ; et les communautés du Vietnam ont planté des mangroves touffues le long de la côte pour faire barrage aux vagues provoquées par les tempêtes tropicales, selon Oxfam.
Ne financer que les priorités d’adaptation les plus urgentes et les plus immédiates des pays les moins développés pourrait bien coûter entre un et deux milliards de dollars, selon le document d’Oxfam. « Les donateurs ne semblent pas conscients de l’urgence : jusqu’à présent, ils n’ont donné que 48 millions de dollars au fonds international destiné aux pays les moins développés, soit moins de 5 pour cent des besoins – un montant tout juste suffisant pour couvrir les besoins de Haïti, Samoa et Kiribati ».
L’agence de développement a appelé à une initiative équivalente au rapport Stern, mais axée sur l’examen du lien entre le développement et l’adaptation climatique, et qui recenserait plusieurs exemples de meilleures pratiques en termes de conception et de financement de projets, et fournirait des estimations plus précises des coûts et des bénéfices de l’adaptation climatique.
« Cette approche fournirait aux pays en développement un fondement plus solide pour intégrer l’adaptation climatique dans leurs programmes et leurs budgets de développement. Elle fournirait, par ailleurs, aux pays à revenu élevé et à forte émission de CO2 une estimation plus précise du financement dont ils sont capables et responsables », a estimé l’agence.