Cette question, de plus en plus de chercheurs et d'écologistes se la posent du fait de l'explosion annoncée – et en cours – des biocarburants. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il semble que la production massive de biodiesel ou d'éthanol aurait de sérieux inconvénients : déforestation accélérée, bilan énergétique décevant, renchérissement des denrées alimentaires dans le monde, dégradation des conditions de travail de nombreux producteurs agricoles.
Pour ceux qui croient tenir LA solution au réchauffement climatique et qui poussent la production industrielle des biocarburants, la remise en question doit se faire … et vite !! Faisons le point. Quelques rappels sur les biocarburants : Définition On appelle biocarburant tous les combustibles liquides produits à partir de plantes cultivées. En Europe, on fabrique surtout de l'huile pour biodiesel tandis qu'aux USA et au Brésil, on préfère la fermentation alcoolique des sucres pour produire de l'éthanol. Pourtant, on ne peut pas dire que cela soit encore une filière bien établie en France. La part des biocarburants dans la consommation totale de carburants était en France de 1,1% en 2004 , de 1,8% en 2005, de 3% en 2006 et devrait être de 6% en 2007. Autrement dit, la France serait en 2007 bien au-dessus de l'objectif de 5% de biocarburants demandé par Bruxelles pour 2010. Beaucoup pensent que plutôt que l'appellation « biocarburants » il vaudrait mieux utiliser celle d' « agrocarburants ». >> Deux approches sont en compétition sur le marché des biocarburants : Les inconvénients > Le Brésil produit 6.000 litres d'éthanol avec un hectare contre 1 .200 litres et deux fois plus cher en Angleterre par exemple. Selon plusieurs ONG, les surfaces occupées par la canne à sucre plantée pour le biocarburant empiètent souvent sur des pâturages ou sur la forêt amazonienne ou vers le cerrado qui, sur un quart des surfaces, représente les meilleurs sols brésiliens. Un dossier paru dans Courrier International explique : « il est évident que le Brésil devra utiliser ses immenses étendues de forêt pour répondre à la nouvelle donne énergétique ; il est tout aussi évident que la destruction de la forêt entraînera un désastre écologique qui affectera l'ensemble de l'humanité. » > La FAO publie des chiffres qui montrent clairement qu'il est illusoire de penser que l'extension des cultures destinées aux biocarburants ne va pas empiéter sur les surfaces agricoles disponibles par habitant : > La culture du soja, du maïs, érode les sols, pollue les nappes phréatiques, nécessite de grandes quantités de pesticides, d'engrais, de carburant pour la plantation, la récolte et le séchage. > Des experts annoncent des hausses de prix énormes sur toutes les denrées alimentaires de base dans le monde entier ; par exemple +41% pour le maïs d'ici à 2020 ; +76% pour les oléagineux (colza, soja, tournesol) ; +30% pour le blé ; +135% pour le manioc qui est pourtant un aliment crucial dans les pays les plus pauvres d'Afrique subsaharienne, d'Amérique latine ou d'Asie. > Si les prix alimentaires restent connectés à ceux du pétrole, ce sont 1,2 milliard de personnes qui risquent de ne pas manger à leur faim d'ici 2025. > La Banque mondiale a calculé que la consommation calorique des populations les plus pauvres diminue de 0,5% à chaque fois que le prix des principaux produits alimentaires augmente de 1%. Quand une denrée alimentaire augmente, on la remplace pour une autre, moins chère, mais moins riche, moins nourrissante. > Voici, les principaux rendements énergétiques des carburants (Selon le laboratoire des énergies renouvelables du gouvernement américain) = le rapport entre l'énergie fournie par un carburant et celle nécessaire à sa production. Si on prend en compte d'autres critères comme l'émission de gaz à effet de serre par kilomètre parcouru, on voit que les gains apportés par les biocarburants sont assez médiocres et parfois plus que mitigés. Par exemple, rouler en biodiesel émet plus d'oxyde d'azote que rouler à l'essence. > Avec un bilan écologique modeste , l'éthanol, fabriqué avec le maïs ou le soja, dont la production est gourmande en énergie et très polluante, n'est vraiment pas la panacée. >> Zoom : l'éthanol pollueur ! > C'est une récente étude de Stanford University qui montre que l'éthanol - fabriqué avec du maïs, de canne ou de betterave - est mauvais pour les poumons. > Certes, il dégage moins de gaz à effet de serre et moins de benzène que l'essence, mais il produit beaucoup plus d'un composé organique volatil (COV), qui est une des causes du smog et de la formation d'ozone : l'acétaldéhyde. > Si toutes les voitures utilisaient du super éthanol E85 d'ici à 2020 aux Etats-Unis, la surmortalité engendrée serait de 4%, due à la recrudescence des problèmes respiratoires liées à la pollution atmosphérique… Réjouissant. Passer immédiatement aux biocarburants de deuxième génération Puisque les biocarburants de première génération, et surtout celui produit à partir du maïs, présentent de graves inconvénients, certains suggèrent qu'il faut passer immédiatement aux carburants de seconde génération. On appelle biocarburants de seconde génération ceux qui sont produits à partir de déchets végétaux et à base de cellulose. Leur rendement promet d'être bien meilleur que ceux de première génération. > L'éthanol produit à partir de cellulose (déchets de bois, herbes, autres végétaux), émet un ratio énergétique de 5 à 6 et diffuse de 82 à 85% de gaz à effet de serre de moins que l'essence. Plus rentable, plus écologique, la production de biocarburant à base de cellulose n'est pourtant pas tout à fait au point et ne devrait pas l'être avant une petite dizaine d'années. C'est pourquoi certains écologistes suggèrent de faire une pause dans l'implantation d'unités de production d'éthanol de maïs ou de colza. Ils expliquent qu'il sera difficile de ne pas exploiter des usines toutes neuves de première génération, même quand le biocarburant de cellulose sera au point. Rester « coincés » avec les filières de production de biocarburants pourrait être un piège, l'enfer des bonnes intentions initiales. Comme le dit l'hebdomadaire Courrier International l'éthanol pourrait bien être la plus belle arnaque écologique de l'histoire. … |