L’effet de serre dépasse les plus sombres scénarios du Giec. Selon une nouvelle étude internationale, le rythme des émissions s’est accéléré de manière foudroyante au cours des cinq premières années du siècle.
C’est une nouvelle étude qui donne froid dans le dos. Publiés dans la revue de l’académie des sciences américaines Pnas (1), les travaux conduits par l’Australien Michael Raupach dans le cadre du « Global Carbon Project », chargé d’établir le cycle du carbone à l’échelle planétaire, constatent l’accélération foudroyante des émissions de C02 lors des cinq premières années de ce siècle. La croissance, note cette étude à laquelle six laboratoires ont participé, a été plus grande que les scénarios liés aux énergies fossiles les plus intensifs développés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).
En 2005, le total mondial de ces émissions était sans précédent : soit, 7,9 gigatonnes de carbone liés aux combustibles fossiles (gaz, pétrole, charbon) et 1,5 gigatonne lié à la déforestation. Alors que l’augmentation du CO2 était de 1 % par an auparavant, elle est passée à plus de 3 % par an depuis le début de ce siècle, traçant l’amorce d’une sombre perspective (notre infographie).
« Aucune région du monde n’a commencé à décarboniser sa fourniture en énergie, note l’étude. (…) La récente croissance des émissions a été plus forte et rapide dans les pays en voie de développement, particulièrement en Chine, en raison de la croissance économique très forte. (…) Les économies en développement représentent 80 % de la population mondiale et totalisent 73 % de la croissance des émissions en 2004. Cependant, ils représentaient seulement 41 % des émissions globales cette année-là et 23 % des émissions cumulées depuis le démarrage de la révolution industrielle. »
Pourquoi l’étude Raupach a-t-elle été publiée après la dernière réunion du Giec, qui s’est tenue en mai à Bangkok ? « Le Giec est un processus différent étalé sur plusieurs années et dont les données sont moins récentes, évoque au Soir le chercheur français Philippe Ciais, (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement), co-auteur de l’étude Raupach. Nous sommes à mi-parcours dans notre travail. Nous nous sommes rendus compte que les prévisions d’émissions et surtout leur évolution étaient bien en dessous de la réalité . Nous avons donc décidé de publier les résultats sans attendre… »
Soumise d’abord auprès des révues Science et Nature, l’étude Raupach a finalement été publiée par l’Académie des sciences américaines. Une autre étude du même groupe de chercheurs relative à l’évolution des concentrations de CO2 dans l’atmosphère devrait également être publiée sous peu. « Les choses sont moins évidentes sur ce plan car les niveaux des concentrations sont peu liés aux émissions relâchées dans l’atmosphère (2), remarque Philippe Ciais. Tout dépend de la capacité d’absorption de l’océan, des forêts, de la biomasse… Et cette capacité varie de 80 à 20 % d’une année à l’autre en fonction du climat ! Disons qu’on ne constate pas d’emballement des concentrations pour le moment même si celles-ci croissent globalement alors que l’absorption par l’océan et la végétation ont ralenti depuis quarante ans. »
Quelle serait, d’ici à la fin du siècle, l’augmentation moyenne des températures du globe résultant des constats formulés dans l’étude Raupach ? « Il est clair que nous sommes dans la fourchette la plus haute des scénarios du Giec. Soit, entre quatre et six degrés d’augmentation de température moyenne, répond Philippe Ciais. Mais ce n’est pas parce qu’un mauvais départ a été pris lors des cinq premières années du siècle que cela va se poursuivre comme cela jusqu’en 2100. C’est un signal d’alarme qui doit inciter la communauté internationale à réagir d’autant plus qu’il faut tenir compte de l’inertie du système. L’accélération constatée nous montre que nous sommes très loin des discours tenus sur la dématérialisation de l’économie… »
(1) www.pnas.org
(2) 380 parties de C02 par million (ppm), pour le moment, contre 270 ppm au début de l’ère industrielle.