Un film de 14 minutes du lobby pro-OGM est publié depuis quelques jours sur Dailymotion en 6 langues différentes, sur la chaîne "farmereurope"
- Pour les agriculteurs n’ayant pas encore fait leur "choix", pour les futurs semis, voici un complément de réflexion :
Intitulé "Le droit de choisir", ce film de propagande complètement anonyme mais disposant de moyens conséquents (tourné dans divers pays de l’Union Européenne), accumule contre-vérités sur contre-vérités en plaçant le spectateur dans un non-choix culpabilisateur : les biotechnologies y étant présentées comme les seuls outils ou techniques permettant de protéger l’environnement, d’assurer aux agriculteurs un revenu correct et d’avoir une agriculture rentable et durable...
Le film commence par la présentation de deux agriculteurs inscrits dans une tradition de culture familiale : un britannique et un espagnol. Pour eux, les OGM sont dans la continuité de cette tradition et leur utilisation est évidente : les OGM permettent d’accroître les rendements et d’être compétitifs sur le plan mondial...
D’emblée, le film nous présente les agriculteurs comme victimes à la fois de la politique, mais aussi de la mondialisation, dans le contexte de laquelle l’agriculture est gravement menacée. Les OGM représentent alors pour eux le seul espoir de survie. Un agriculteur explique ainsi que dans le cadre des négociations de l’OMC, la culture de betterave à sucre ne pourra se passer d’OGM, car c’est le seul moyen de concurrencer des pays comme le Brésil, présenté pour l’occasion en ennemi économique. Le monde est vu et accepté sous leurs yeux comme un combat permanent dans lequel la concurrence et la compétitivité représentent le seul mode de développement pour survivre. Les Brésiliens, ennemis économiques à concurrencer, sont pourtant dans une situation alimentaire et sanitaire extrêmement difficile : pendant que des cultures industrielles trasngéniques de soja ou de betteraves sucrières enrichissent quelques grands exploitants à l’exportation, le pays connaît de graves problèmes de malnutrition et de sous-alimentation, notamment chez les enfants, et certaines contrées sont au bord de la famine.
En Europe, l’Espagne est présentée dans ce film comme un modèle exemplaire et représentatif du succès des OGM, notamment du maïs Bt. Le film nous apprend que ce maïs permet une réduction considérable de l’utilisation d’insecticides. Mais ce qu’il omet de dire, est que l’insecticide produit par la plante GM se retrouve en quantité beaucoup plus importante que celle épandue en agriculture conventionnelle ou organique, mais à l’intérieur même de la plante... Le maïs Bt est aussi présenté comme une variété végétale, ce qui est faux du point de vue biologique.
Comme l’explique Jean-Pierre Berlan, chercheur à l’INRA, il y a tout un discours mensonger érigé par les communicants de l’agro-industrie afin d’arranger la réalité et de la décrire à leur profit. L’Espagne ne semble pas pourtant présenter un bilan aussi glorieux en ce qui concerne le développement à la fois de son agriculture transgénique ou encore de son agriculture maraîchère industrielle, du point de vue environnemental mais aussi social (cf les immense cultures sous serres du Sud de l’Espagne et l’exploitation de la main d’oeuvre clandestine, que l’on voit par exemple dans le film "We feed the world").
Serres maraîchères en Andalousie.
Les OGM agricoles, ici présentés comme "un grand progrès pour l’environnement", avec l’aide d’une musique douce et mélodieuse, un rythme cinématographique tranquille et des photographies de beaux paysages champêtres voire forestiers, sont, pour l’un des agriculteurs interviewés, à étudier "au cas par cas". Cet argument courant des lobbies industriels laisse entendre que la technologie des OGM (organismes issus de la transgénèse) n’est pas à débattre en soi, et que seuls les divers OGM fabriqués sont sujets au choix des agriculteurs. Cette volonté affichée de refuser toute réflexion sur la technique de la transgénèse elle-même et de son utilisation en agriculture, de la part de certains politiciens et lobbies de l’agro-industrie, et de déplacer le débat sur la multiplicité des OGM est une fois de plus un leurre et de la poudre aux yeux communicative. Une chose est sûre, l’ignorance que l’on a de l’incidence de la technique de la transgénèse elle-même sur le développement de l’organisme GM, son équilibre biologique global (génétique, cellulaire...etc) et donc sa comestibilité, ainsi que les conséquences à plus ou moins long terme de l’utilisation massive d’OGM dans la chaîne alimentaire humaine et animale est totalement éludé du discours des scientifiques, techniciens industriels ou autres acteurs du soi-disant débat existant autour de la question des OGM.
Les autres arguments avancés par le film, tous aussi infondés et faux, concernent la coexistence sans problème (y compris sur une même exploitation !) de l’agriculture biologique et de l’agriculture transgénique, ou encore l’affirmation que l’agriculture transgénique est la plus contrôlée ! L’argument de la coexistence est cependant éludée par l’un même des intervenants filmés qui explique que le problème n’est pas la contamination mais la rentabilité. L’on voit bien en filigrane que la question environnementale est totalement éludée et que seule l’agriculture considérée en tant que "business" est le sujet de ce film marketing du lobby OGM. Le mode de production agricole actuellement le plus contrôlé, l’agriculture organique ou biologique, l’est justement pour certifier l’absence de contamination des semences et des récoltes par des transgènes. Mais à ce titre, elle ne constitue même pas pour les agriculteurs un gage de reconnaissance d’un travail environnemental (pourtant certifié), les agrobiologistes devant payer leur label à l’Etat pour leurs services rendus (aménagement des terroirs, relocalisation agricole, reconstruction biologique des sols...etc). Selon ce film, les agriculteurs transgéniques travaillent main dans la main avec leurs voisins, en toute transparence et sans que cela ne suscite la moindre inquiétude chez quiconque. Cependant, malgré l’obligation d’informer imposée par une directive européenne, le Tribunal de Grande Instance de Paris a condamné le 26 juillet dernier l’association Greenpeace France pour avoir délivré au public une carte des essais en plein champ d’OGM en France (voir image ci-jointe) : l’information sur les OGM est-elle devenue à ce point explosive que la propagande, la communication et l’intimidation judiciaire soient devenues les animateurs du débat citoyen ?
- Le film "Le droit de choisir" (ce qui semble avoir été refusé à la population malgré sa volonté manifeste de ne pas vouloir d’OGM ? : sondage 1, sondages 2) sur farmereurope
- Pour les agriculteurs n’ayant pas encore fait leur "choix", pour les futurs semis, voici un complément de réflexion :
Lettre ouverte aux agriculteurs progressistes qui s’apprêtent à semer du maïs transgénique , par Jean-Pierre Berlan.