On retrouve de plus en plus dans les assiettes européennes et américaines des crevettes vendues à des prix parfois dérisoires
Malheureusement, les amateurs de ces crevettes à bas prix ne connaissent pas le coût véritable de cette industrie qui tue, pollue et exploite à la fois, les humains, les animaux et l’environnement
Plus de 50 pays font maintenant l’élevage de la crevette, provocant du même coup une augmentation de la consommation et une chute des prix. En dix ans seulement, la consommation de crevettes a monté de 300 % aux Etats-Unis, au Canada et en Europe ; 87 % des crevettes achetées aux Etats-Unis proviennent d’une ferme d’élevage de l’Asie du Sud-est, de l’Inde, de la Chine ou de l’Amérique du Sud.
Afin d’installer leurs bassins d’élevage les industries de la crevette détruisent de vastes étendues de littoraux tropicaux, particulièrement les mangroves ou forêts de palétuviers, remparts servant à protéger les régions côtières contre les cyclones mais aussi les tsunamis. Pour un grand nombre de scientifiques et d’écologistes, le terrible tsunami asiatique du 26 décembre 2004 aurait eu des conséquences moins dramatiques si les mangroves n’avaient pas été détruites : "Beaucoup de coraux ont disparu et les mangroves ont été supprimées pour laisser la place à l’élevage de crevettes et de langoustines. Si ces habitats avaient été préservés ils auraient atténué la force des vagues," a estimé Jeff Neely, directeur scientifique de l’Union mondiale pour la nature. Pour l’écologiste indienne Vandana Shiva," le respect de la fragilité et de la vulnérabilité des écosystèmes côtiers a été sacrifié au profit d’élevages de crevettes". La Thailande, premier producteur mondial, a détruit 70 % de toutes ses forêts de mangroves au profit des fermes de crevettes.
DES ÉCOSYSTÈMES DÉTRUITS
Une mangrove est un écosystème unique et fragile. Cette forêt a l’apparence d’un labyrinthe d’arbres et de racines entremêlées, avec des marais et des marécages. Elle abrite une diversité d’êtres vivants : oiseaux, reptiles, mollusques, crustacés, tortues, phoques, oursins, étoiles de mer, poissons, devenant lieu de frai, d’alimentation et de refuge. Aux sommets des arbres, des primates se nourrissent des feuilles des arbres, des iguanes et des perroquets dorment dans les branchages. C’est une pouponnière aussi car 90 % des poissons maritimes y font leur ponte. Lorsqu’on détruit les mangroves pour faire place à des étangs d’élevage de crevettes, tous ses animaux perdent leur habitat et disparaissent. De plus, ce déboisement rend la côte instable et détruit les récifs coralliens situés à proximité qui, déjà gravement menacés par le réchauffement de la planète, ne peuvent résister a l’envasement suite à l’érosion des sols côtiers.
Lorsqu’elles arrivent dans une région, les industries de la crevette rasent au bulldozer les forêts de la mangrove et déplacent les populations humaines pour y installer leurs bassins de crevettes. Les larves de crevettes sont directement pêchées en mer avant d’être transférées dans les bassins. La croissance forcée des crevettes dans des bassins surpeuplés entraîne nombre de maladies et de parasites. On doit alors utiliser des antibiotiques très souvent interdits dans les pays consommateurs. De fortes doses de l’antibiotique chloramphénicol, interdit dans la production animale de nos pays, a été trouvé dans des lots de crevettes d’élevage en provenance de la Chine. Dans ces bassins divers produits chimiques stérilisent les étangs entre deux récoltes. Du chlore, des insecticides, des pesticides - parathion, paraquet, malathion, ect. - des fongicides, des algicides sont versés et vaporisés pour contrer les virus et les agents infectieux. On administre aux crevettes un agent conservateur pour les empêcher de noircir et elles sont systématiquement lavées à l’eau javellisante pour tuer les bacilles avant d’être importées.
Cette soupe virulente des bassins est déchargée dans les terres autour des fermes, polluant les cours d’eau, les sols et les ressources d’eau potable. Au Vietnam, une récente étude faite par le "Vietnam Institute for Economics and Marine Planning" a démontré que chaque hectare de ferme d’élevage de crevettes produit 8 tonnes de déchets solides par année. Les fermes d’élevage vietnamiennes rejettent, à elles seules, dans l’océan pour 6.7 millions de tonnes de déchets solides. A proximité des zones d’élevage des crevettes, la pollution des réserves d’eau potable est telle que les populations humaines ne peuvent s’en servir pour l’irrigation des cultures de légumes ou de riz.
Après cinq ans, les éleveurs abandonnent leurs étangs de crevettes et vont s’installer ailleurs. Ils laissent derrière eux une région désertique ayant des niveaux élevés d’acidité et de salinité, des sols et des cours d’eau contaminés et toxiques pour les populations humaines mais aussi animales. Les terres déblayées ou abandonnées ne peuvent alors plus fournir aux villageois de l’eau potable, du bois ou des plantes médicinales.
Ce sont des multinationales multimilliardaires, financées par les gouvernements et la Banque mondiale, qui contrôlent le marché de la crevette. Les riches propriétaires des exploitations fournissent la nourriture pour les crevettes, les produits chimiques et les antibiotiques nécessaires à l’élevage en plus de s’occuper de la commercialisation des produits sur les marchés nord-américains, japonais et européens. A plusieurs endroits, des tensions et des conflits ont éclaté entre les habitants locaux et les industries de la crevette. L’une des causes principales de ces conflits est la spéculation et le vol des terres. Soutenues par les agences gouvernementales, par la police et l’armée, les compagnies forcent les populations locales à renoncer à leurs terres sans compensation adéquate. Ceux qui protestent contre les agissements des multinationales sont tués, blessés ou emprisonnés. Au Bangladesh, il y a quelques années, plus de 100 personnes ont perdu la vie lors de conflits avec des propriétaires terriens s’adonnant à l’élevage de crevettes. A court terme, l’exploitation intensive des crevettes s’avère très profitable aux entreprises et au pays exportateur. L’Equateur, pour ne citer que ce pays, obtient 15 % de ses devises par l’exportation des crevettes Mais à long terme l’élevage des crevettes ruine les habitants des zones où elle est pratiquée puisqu’elle n’apporte que de graves problèmes économiques, sociaux et environnementaux.
GASPILLAGE
Les crevettes de ces élevages intensifs sont suralimentées et pour les forcer à se nourrir continuellement leur étang est éclairé de nuit. Elles sont aussi carnivores et se nourrissent d’énormes quantités de poissons. Selon la "Shrimps News International" il faut 90 tonnes de poissons - très souvent sous forme de farine - pour produire 30 tonnes de nourriture servant aux crevettes.
Manger des crevettes sauvages est-elle la solution ? Les crevettiers comptent parmi les bateaux de pêche les plus destructeurs. En Malaisie on pêche l tonne de crevettes et on rejette 4 tonnes de prises secondaires (Oiseaux de mer, tortues, requins, poisson sans valeur marchande, etc.) Au Brésil c’est l tonne de crevettes pour 9 tonnes de prises secondaires. Pour chaque kilo pêché de crevettes entre l0 et 20 kilos d’animaux marins sont sacrifiés ou finissent jetés par-dessus bord. Dans les zones les plus destructives, les chalutiers capturent 30 espèces marines pour 1 espèce de crevette. Certaines sources estiment qu’a l’échelon mondial, 5 millions de tonnes de captures secondaires sont prises dans les filets des crevettiers. La pêche aux crevettes est une des plus grandes menaces pour la survie des tortues de mer car, dans les seules eaux américaines, plus de l50 000 d’entre elles meurent dans ses filets.
Pour protéger à la fois les humains, les animaux et l’environnement il faut, de toute urgence, boycotter cette si petite crevette contenant pourtant une si grande quantité de souffrance