Par Marie-Dominique Arrighi - Libération du vendredi 29 juin 2007 Ça va être l’année de l’avoine. Pas que pour les bourrins. Pour les humains aussi. Du moins, c’est la prédiction de Babette Leforestier. Directrice de TNS Media Intelligence, elle est en charge de l’étude marketing des produits d’alimentation, d’hygiène-beauté et d’entretien vendus en grandes surfaces. Ainsi, dans le Marketing Book paru hier et destiné à ses clients, industriels et distributeurs, elle recense toutes les innovations (1 500 lancements en 2006) et l’état de santé des ventes secteur par secteur : des poudres chocolatées aux shampooings en passant les céréales. Et l’avoine, elle en a justement repéré dans des céréales, mais aussi dans des biscottes et même des glaces. Autres merveilles qui s’annoncent : le bretzel fourré à la flammekueche ou le tartare de jambon. cuit (1). En sept points, elle nous révèle les tendances, améliorations ou contradictions à l’œuvre.
Tu innoves, je copie
Les marques tendent à cloner leurs propres produits avec de légères variations. C’est «l’extension de gamme», dont le principal mérite est d’occuper le terrain, en l’occurrence, les linéaires, pour empêcher les concurrents de s’y mettre. Autre raison à ces copies : si ça fonctionne, on imite ; tu innoves, je copie, c’est le me-too («moi aussi»). A ce petit jeu, Mamie Nova et ses produits laitiers a beaucoup de suiveurs. D’où l’apparition en cascade de saveurs inédites, à la tarte Tatin, à la stracciatella ou au crumble, dont on a été submergés. Aujourd’hui, en fin de cycle, ils retrouvent une nouvelle jeunesse dans les rayons salés, crumbles de légumes ou Tatin de foie gras.
Moins de sucre, de gras, de sel
En 2002, à l’occasion du premier Plan national nutrition santé, les industriels étaient vent debout contre les pouvoirs publics et dans le déni de leurs responsabilités. Depuis, ils ont commencé à reformuler leurs recettes, comme Kraft, Unilever et General Mills. Certains ont, par exemple, enlevé 75 % de sucre dans des céréales pour petit déjeuner. De même, ils s’apprêtent à revoir le recours aux additifs, conservateurs et colorants non naturels, en commençant par les produits pour enfants.
Ote tes marques que je m’y mette
Auchan a, le premier, décidé de rationaliser son linéaire surgelés en virant les enseignes nationales et en y mettant ses propres marques. D’ailleurs, pour la première fois cette année, sur tous les marchés de produits de grande consommation, le nombre de références des enseignes nationales a baissé de 0,8 %, tandis que celui des marques de distributeurs a grimpé de 5,6 %. Signe du malaise : les investissements publicitaires dans l’alimentaire ont considérablement diminué en dix ans, ce qui enlève toute visibilité aux marques. Certes, on ne peut pas faire manger les gens davantage. Même si on a inventé la pause de 11 heures, mis l’accent sur l’apéritif, on arrive à saturation. Mais cette rationalisation initiée par Auchan est toute relative : le premier Carrefour, en 1963, proposait 3 500 produits ; aujourd’hui, c’est autour de 25 000. D’où le succès du hard discount, provoquant moins de perte de temps et moins de tentations.
Des nuggets. aux légumes
C’est un avatar du nutritionnellement correct. Comment faire manger des légumes aux enfants ? Les industriels ont trouvé ce compromis, où la panure peut représenter 40 % du produit, réduisant d’autant la quantité de matière première ! Reste que les fruits et légumes se répandent dans toutes les préparations : on en trouve dans des pâtes, des fromages et même des terrines de pâté.
La santé à toutes les sauces
A côté du nutritionnellement correct (pas trop gras ni sucré), ont surgi les super foods comme les antioxydants, au point qu’une huile d’olive ou un café s’en prévalent. Sans oublier les omega-3, même dans du foie gras ! A présent, les produits de «santé active» sont à la mode. Par exemple, le yaourt Essensis qui «nourrit votre peau de l’intérieur» . Dans le même registre, les produits anticholestérol, qui prétendent agir comme des médicaments. D’autres aliments vont viser préventivement des parties du corps : les os, les yeux, les articulations. Mais attention aux confusions, qui peuvent se révéler dangereuses : le consommateur fait-il la différence entre omega-3 et anticholestérol ? Ou entre sodium et sel ? Sachant qu’un gramme du premier vaut 2,41 du second ! Reste donc un gros travail à faire sur l’étiquetage nutritionnel et les allégations commerciales.
L’ Aloe vera sans frontières
Personne ne sait pourquoi c’est bien, mais on en trouve partout. A l’égal du thé vert, l’ Aloe vera a quitté les soins de la peau pour l’hygiène corporelle, les serviettes périodiques, par exemple, et apparaît dans les boissons. Cette transversalité s’appelle, en marketing, cross-fertilization . Même phénomène avec les huiles essentielles : après les cosmétiques, elles sont passées aux assouplissants pour le linge puis aux yaourts. Aujourd’hui, c’est l’inverse, l’hygiène-beauté tendant à s’inspirer de l’alimentaire, avec par exemple un gel lavant au yaourt.
De plus en plus de «sans»
Aux rayons hygiène-beauté et entretien, le «sans» fait une percée : sans ammoniaque (produits capillaires), sans paraben (cosmétiques), sans phosphates (lessives). La directive européenne Reach, très stricte, devrait accentuer ce mouvement vers le bio. A noter les gros efforts des distributeurs eux-mêmes, qui proposent désormais des produits verts avec éco-labels, ainsi qu’une relance des produits alimentaires bio.
(1) Voir aussi le blog Consottisier : http ://consottisier.blogs.liberation.fr/ |