Les producteurs français de vin doivent affronter un déficit de 60 millions de bouteilles, voire plus, dans l'Hexagone.
Le chiffre est considérablement plus important sur l'Europe.
Une pénurie de bouteilles hante les grands producteurs de vins français et européens. Alors que les petits viticulteurs sont encore épargnés par le phénomène grâce à leur méthode d'approvisionnement auprès de grossistes, la situation est tendue pour les groupes plus importants. "Nous avons de plus en plus de mal à trouver les bouteilles pour notre production, confie Philippe Vidal, président de la maison Antonin Rodet à Mercurey. Il est impossible d'obtenir un dépannage provisoire auprès de collègues dans la région. Ils sont dans la même situation que nous".
Certains ont su prendre les devants. "J'ai heureusement réservé mes bouteilles sur l'année et je ne serai pas pénalisé en 2007, confie Emmanuel Dampt", des vignobles Dampt. Ce producteur de vins de bourgogne (chablis, auxerois), commercialise 500.000 flacons par an de diverses appellations. "Je me fournis principalement auprès des Verreries de Bourgogne, poursuit Emmanuel Dampt. Ils m'ont assuré qu'il y avait une pénurie de 60 millions de bouteilles en France".
Un chiffre qui semble peu élevé pour ce responsable d'un grand négociant bordelais. "Le déficit français doit être plus important car on parle d'un manque global de 1,5 milliard de bouteilles sur l'ensemble de l'Europe". Quelles en sont les raisons ? Au cours des dernières années, l'industrie du verre a subi une période de concentration, "due à une baisse des prix que l'on peut qualifier de catastrophique dans certains cas", explique Gérard Desenclos, un ancien commercial du verrier belge la Manufacture de Verre.
Seuls sont restés en lice les groupes capable de fabriquer des quantités considérables pour avoir un effet d'échelle. Ce phénomène de concentration se poursuit. Ainsi, Saverglass (groupe Natexis) et l'espagnol Vidrala, se sont disputés la reprise de la Manufacture du Verre (le groupe espagnol l'a emporté).
Pendant cette concentration, plusieurs fours ont été fermés. Récemment, certaines unités de production ont stoppé, soit pour des problèmes techniques, soit pour des problèmes sociaux (quinze jours de grèves chez Saint-Gobain). Enfin, "le mois d'avril particulièrement chaud a dopé la demande pour les rosés et on perçoit aussi une reprise sensible du marché du vin au niveau européen", précise le négociant bordelais. D'où cette pénurie sur les bouteilles classiques.
"Les viticulteurs et les négociants subissent la loi de ceux qui maîtrisent la production", remarque Gérard Desenclos. Jean-Jacques Parvillier, président-fondateur de Partoeno, le spécialiste européen des tanins, juge que la situation est dramatique pour la filière vin française. "Les producteurs ont de bonnes commandes mais ils ne peuvent pas livrer précise-t-il. Pour un produit aussi spécifique que le vin, on ne peut pas choisir un produit de substitution.
Ceux qui ont l'habitude d'acheter des bouteille ne vont pas passer au cubitainer". Il estime que des problèmes de qualité pour les bouteilles de vins pétillants pourraient se manifester en Italie.
En février, Saint-Gobain aurait imposé une augmentation de 10% à 15% de ses prix et avertit ses clients d'une nouvelle salve de hausse des prix, de la même ampleur, pour le premier juillet. L'annonce laisse Gérard Desenclos sceptique. "Chaque fois que Saint-Gobain a annoncé une augmentation de ses prix, cela n'a pas tenu, indique-t-il. Il y a toujours des remises occultes qui réduisent l'impact". Récemment, il fallait compter 11,50 à 12 euros le cent pour une bouteille de bordeaux classique de 400 grammes.
Cependant, si les hausses de prix tiennent, la situation des verriers pourrait changer. On peut tabler sur une hausse de leur cash flow capable de compenser la hausse de leur matière première. Est-ce de nature à stimuler un cycle d'investissement ? Il est trop tôt pour le dire. On constate aujourd'hui un repli sur les marchés locaux. Ainsi, les verriers allemands ne livrent plus sur la France.
Pascal Boulard