Les héritiers de 7 000 victimes des massacres en Arménie en 1915 peuvent prétendre à des prestations d’assurance auprès du groupe Axa.
Les héritiers des victimes des massacres d’Arméniens sous l’Empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale peuvent prétendre à des prestations d’assurance auprès du groupe français Axa jusqu’en octobre, ont annoncé mardi des avocats. AXA est en effet parvenu à un accord d’un montant de 17,5 millions de dollars (12,7 millions d’euros) en faveur des héritiers de porteurs de polices d’assurance auprès de filiales de cette compagnie, notamment l’Union-Vie, qui exerçaient alors leur activité dans l’Empire ottoman.
Il y a deux semaines, Axa a diffusé la liste de 7 000 victimes dont les héritiers peuvent demander le paiement d’une prestation d’assurance.
Les candidats doivent présenter des documents prouvant leurs liens avec les victimes, a précisé le cabinet d’avocats qui s’est chargé de la plainte. Barseg Gardalian, un avocat de ce cabinet américain, a précisé que les candidatures étaient acceptées depuis le 1er avril jusqu’au 1er octobre.
Le cabinet de l’avocat californien d’origine arménienne Vartkes Yeghyayan avait déjà entrepris une démarche similaire il y a quatre ans auprès de la compagnie d’assurances New York Life aux États-Unis. En janvier dernier, New York Life a commencé à verser des prestations aux héritiers de ses assurés arméniens qui vivaient dans l’Empire ottoman en 1915.
Forts de ce succès, les avocats étaient parvenus fin 2005 à un accord équivalent avec Axa. Le groupe ne souhaite pas faire de déclarations complémentaires, considérant aujourd’hui que la procédure a suivi son cours normalement.
Dès 1922, le directeur de l’Union-Vie avait informé les autorités françaises que la compagnie détenait un portefeuille de plus de 10 000 contrats d’assurance-vie souscrits principalement par la population d’origine arménienne, mais l’affaire était tombée dans l’oubli.
Depuis, c’est le principe de la prescription qui empêchait les héritiers de récupérer les sommes investies par leurs aïeux. Un facteur que le cabinet d’avocats en charge de l’affaire a réussi à faire invalider par un tribunal de Los Angeles, en s’appuyant sur la législation californienne qui reporte à 2010 la prescription pour les crimes commis lors des massacres en Arménie.
Les indemnités reversées par Axa seront réparties en deux volets : l’un pour les descendants des victimes, l’autre pour les associations et organisations arméniennes de France, qui effectuent un travail de mémoire depuis les massacres. Ainsi, sur les 17 millions de dollars qui correspondent à la somme des contrats datant de 1915, 3 millions devraient être reversés à des associations.
« Pour entrer dans le cadre des décisions du jugement, les projets présentés devront être à caractère éducatif ou humanitaire », explique Alexis Govciyan, qui préside le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) et qui a été chargé par le cabinet Vartkes Yeghyayan de collecter les projets des associations demandeuses de fonds. Ils seront ensuite transmis à la fondation qui sera créée par le cabinet d’avocats américain, en liaison avec Axa.
Au-delà de l’aspect financier, la décision d’indemniser les héritiers des anciens assurés a une portée politique. « C’est un événement très important en termes de reconnaissance des faits qui se sont déroulés à partir de 1915, ajoute Alexis Govciyan. Cette décision est essentielle dans un contexte où nous essayons de lutter contre la négation du génocide arménien. » En effet, les autorités turques continuent de nier le génocide de la population arménienne entre 1915 et 1917, des massacres qui ont fait plus de 1,5 million de morts selon les Arméniens, 250 000 à 500 000 selon les autorités turques.
« On observe aujourd’hui un grand activisme des associations turques qui nient le génocide, ajoute Alexis Govciyan. Le comité Talaat Pacha, du nom de l’instigateur du génocide arménien, est particulièrement actif. L’accord avec le groupe Axa est fondamental pour lutter contre cette vision négationniste. »
Début 2006, des plaintes en nom collectif demandant la restitution de dépôts saisis par l’Empire ottoman et transférés en Europe ont été déposées contre de grandes banques occidentales, notamment la Deutsche Bank et la Dresdner Bank.