Résultat et descriptif de l’enquête du Washington Post : http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2007/04/19/AR2007041902527.html
Résultat et descriptif de l’enquête du Newscientist : http://media.newscientist.com/data/images/ns/av/global_warming_poll_stanford.pdf
« Le mode de vie des Américains n’est pas négociable », affirmait, en 1992 lors de la conférence de Rio, Georges Bush (père), alors président des Etats-Unis. Si la sauvegarde de l’environnement et, particulièrement, la lutte contre le réchauffement climatique se voyaient alors reléguées derrière le maintient d’une forte croissance économique, le peuple américain exprime aujourd’hui une opinion qui pourrait présager d’un changement de tendance.
Selon une enquête menée en avril 2007 par le journal The Washington Post, la chaîne ABC News et l’Université de Stanford (Californie) 85% des Américains sont convaincus que le réchauffement climatique a bien lieu et le considère comme le plus important problème environnemental actuel, largement en tête devant la pollution de l’air. Le verdict est là : 7 Américains sur 10 pensent qu’il faut agir pour lutter contre le réchauffement climatique.
Néanmoins, ce que les citoyens américains attendent de leur gouvernement n’est pas spécifié par ce sondage d’opinion. C’est à cette question que tente de répondre une deuxième enquête réalisée en juin 2007 par l’équipe de Stanford, l’organisation Ressources for the Futur et le journal The Newscientist.
Le peuple américain est-il prêt à remettre en question son mode de vie pour limiter ses émissions de gaz à effet de serre (GES) et freiner le réchauffement climatique ?
Rien n’est moins sûr... L’enquête présente différentes mesures susceptibles de faire baisser la consommation d’énergies fossiles et demande ce que les américains sont prêts à accepter comme surcoût pour que de telles mesures s’appliquent. Près de 75% des 1491 personnes interrogées se disent favorables à une augmentation de 2,5% du prix de l’électricité. Ils restent encore 50% à accepter une hausse de 80%.
Malheureusement, l’engagement chute fortement dès que les prix des carburants sont abordés. Si 47% des Américains adhèrent encore à une mesure qui ferait monter le prix de l’essence à plus d’un dollar le litre (contre moins de 80 cens aujourd’hui), ils ne sont plus que 27% à accepter une hausse allant jusqu’à 4 dollars le litre. Le prix à payer modère donc largement l’engouement de la population américaine pour limiter le réchauffement climatique. Le fait que seulement 41% des Américains admettent que ce dernier soit principalement du aux activités de l’homme justifie peut-être cette position ambiguë qui reconnaît largement le problème, mais n’entraîne pas une remise en question suffisante pour y remédier.
Autre question importante à laquelle avait à répondre le panel interrogé : quelle stratégie faut-il prendre pour amener le pays à limiter sa consommation de carburants fossiles ? L’enquête propose trois politiques pour infléchir le niveau des émissions de gaz à effet de serre. La première repose sur des directives gouvernementales visant à imposer aux industries de l’énergie des contraintes dans les modes production, la seconde consiste à taxer les émissions de GES, alors que la troisième propose d’instaurer des droits d’émission pouvant être échangés sur un marché. Si le plan récemment publié par l’administration Bush table sur la mise en place d’un marché des droits d’émission, une augmentation du budget alloué pour la lutte contre le réchauffement climatique (4,5 milliards pour 2008, soit une augmentation de 700 millions), et des incitations aux industries pour développer des « technologies propres », les citoyens américains semblent eux plutôt favorables à une intervention de l’Etat pour réglementer les modes de production et imposer des normes susceptibles d’infléchir les émission de GES. Les trois quarts optent pour cette solution, alors que 60% sont favorables aux taxes et seulement 50% à un système de quotas échangeables.
Exit le marché et la fiscalité à outrance pour résoudre le problème, les Américains souhaitent que le gouvernement prenne les choses en main et impose des normes aux industriels. Cette tendance est d’ailleurs confirmée par les 40 points qui séparent l’administration Bush du Congrès démocrate lorsque les citoyens sont interrogés sur la confiance qu’ils donnent à chacun d’eux pour mener une politique de lutte contre le réchauffement climatique. Pourtant, la réticence exprimée par les Américains à mettre la main au portefeuille semble donner raison au président actuel lorsqu’il affirme devant la communauté internationale qu’une « croissance économique durable est la clef d’un progrès en matière d’écologie parce qu’elle donne les ressources nécessaires pour investir dans des technologies propres » ? La Maison Blanche surenchéri en fustigeant le protocole de Kyoto susceptible de coûter 400 milliards de dollars à l’économie américaine et de causer la perte de 4,9 millions d’emplois.
Une administration qui prône la croissance et des citoyens qui semblent considérer leur mode de vie comme peu négociable et attendent du gouvernement qu’il mène la lutte contre le réchauffement sans impacter leur portefeuille, il reste plus qu’à tabler sur le développement de technologies « propres » pour maintenir une production croissante tout en limitant les émissions de GES. Toujours le même remède qui consiste parier sur l’ange technologique pour ne pas remettre en question un mode de vie et une machine économique basé sur une croissance perpétuelle de la production de biens matériels. Un pari risqué, d’autant que ces fameuses « énergies propres » n’ont aujourd’hui pas le potentiel pour couvrir les besoins actuels et encore moins ceux de demain... si rien n’arrête la machine à produire toujours plus.