«A u niveau mondial, les stocks ne représentent qu’un mois de consommation. On vit dans une situation dangereuse», s’alarme Nicolas King, directeur commercial de la division malterie du groupe Soufflet. Il n’est pas le seul : la fédération des Brasseurs de France craint «une pénurie à court terme».
Intempéries. Pour produire un litre de bière blonde, il faut 200 grammes de malt. Or, le malt est tiré de l’orge, dont le cours ne cesse de grimper. «Mon malteur vient de m’appeler, raconte Eric Trossat, gérant de la brasserie artisanale Uberach, dans le Bas-Rhin. Les orges qu’il achetait il y a trois ans à 90 euros la tonne sont à 250 euros aujourd’hui !» Mécaniquement, le malt augmente: de 210 euros pour la récolte 2005, à 400 aujourd’hui, d’après le président du Syndicat des brasseurs d’Alsace, Michel Haag, PDG de la brasserie industrielle Météor (200 salariés et 550 000 hectolitres brassés en 2006). « C’est une situation comme je n’en ai jamais connue. Et je suis depuis trente ans à la tête de l’entreprise.»
Sécheresse en Australie et intempéries en Europe ont entraîné des récoltes désastreuses. A cela s’ajoute une demande forte, due à la croissance mondiale du marché, en Asie et en Europe orientale surtout. Au final, les buveurs vont trinquer. «Je pense qu’il faudra augmenter à la rentrée le prix de la bière de 10 % au moins,», analyse Michel Haag. «Nos adhérents nous disent que pour compenser, il faudra augmenter leurs prix de vente nets de 5 à 7 %», affirme de son côté Gérard Laloi. Les grands brasseurs sont ceux qui pèseront le plus dans les négociations avec les distributeurs, qui écoulent les trois-quarts de la production. Mais Heineken et Kronenbourg sont aux abonnés absents. Heineken, qui présente ses résultats fin août est «en silence radio et ne répond plus en rien», tandis que Kronenbourg «n’est pas du tout pressé d’intervenir sur cette question», liée au dossier du pouvoir d’achat.
«Sauce complète». Les brasseurs sont généralement peu diserts sur leurs coûts de revient. Un ancien professionnel estime la part des matières agricoles (malt et houblon) à «10 % maximum», loin derrière les emballages (50 %) et la main-d’œuvre. Quand on sait que les industriels sont aussi confrontés aux hausses des prix du verre, des emballages carton, de l’inox (canettes métalliques et fûts livrés aux cafés-restaurants), de l’eau et de l’électricité. «En ce moment, c’est la sauce complète», conclut Gérard Laloi. Les consommateurs ne vont pas tarder à en goûter la saveur.
Par Thomas Calinon