Une informatique plus verte peut-elle contribuer à sauver la planète ? Voilà le défi - non dénué d’arrières-pensées marketing - qui anime les grands acteurs du secteur. Touchés par la vague de «Greentech» qui se propage dans la Silicon Valley, les poids lourds du matériel informatique et du logiciel ne cessent de clamer leur ralliement à une approche moins polluante et moins gourmande en énergie de leur activité, quitte à ce que les ordinateurs connaissent dans les années à venir un renchérissement (de l’ordre de 30 %), surcoût en partie compensé par des factures d’électricité moindres.
Parmi les initiatives majeures, l’adhésion récente des géants Google (lire ci-contre) et Intel à l’opération Climate Savers Computing Initiative (initiative du secteur contre le réchauffement) a boosté la campagne menée par une trentaine de fabricants - dont Dell, HP, IBM, Lenovo ou encore Microsoft -, sous le parrainage de WWF. Elle vise à économiser 5,5 milliards de dollars de dépenses énergétiques par an et à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 54 millions de tonnes au même rythme. Il faut dire que ce secteur en pleine croissance est loin d’être un petit contributeur au réchauffement.
Flotte aérienne. Selon une étude du cabinet d’analyses Gartner Group, les technologies de l’information génèrent 2 % des émissions de CO2 liées à l’activité humaine. Autant que l’ensemble de la flotte aérienne mondiale ! Un journaliste américain, Nicholas Carr, s’est même amusé à calculer l’empreinte énergétique d’un habitant du très en vogue monde virtuel de Second Life. Stupeur : selon ses calculs, chacun des 2,8 millions d’avatars utilise 4,8 kWh/jour, soit 10 fois la consommation d’un Camerounais et autant qu’un Brésilien. Sans compter que chaque participant dégage 1,17 tonne équivalent carbone, ce qui correspond à un trajet d’environ 3 500 km en 4 x 4. Une consommation qui s’explique par les 4 000 serveurs nécessaires pour permettre aux «résidents» de Second Life de s’ébaudir dans leur monde de pixels. Mais il n’y a pas que les 27 millions de serveurs en activité qui se gavent d’énergie. Les ordinateurs (1,5 milliard sur terre) sont réputés gaspiller pas loin de 50 % de leur énergie, qui se transforme en chaleur pure. D’après Chris Gabriel, de la société anglaise de services informatiques Logicalis, 60 % de la température ambiante dans les bureaux est produite par les ordinateurs et les imprimantes qui ont besoin d’être refroidis en permanence par des ventilateurs eux-mêmes consommateurs d’énergie. «L’informatique nous vend depuis des années la nomadisation, le travail à distance et la réduction des déplacements, mais ses effets sur l’environnement sont loin d’être nuls» , explique Thierry Salomon de l’association Negawatt. Sans compter que le rêve d’un tout-écran et zéro papier, censé ralentir la demande de bois et la déforestation, s’est traduit au contraire par une explosion de la consommation de papier.
Portable. Certaines évolutions vont tout de même dans le bon sens. Ainsi le boom - lié à leur démocratisation et à leur miniaturisation - des ordinateurs portables. Ils sont cinq fois moins consommateurs d’énergie et plus souvent éteints après utilisation que les stations fixes (dans les bureaux, 60 % des ordinateurs restent allumés en permanence selon l’étude de Gartner). La réduction de la consommation des terminaux peut en outre avoir des effets bénéfiques sur la ventilation des locaux, comme l’explique Thierry Salomon : «Un écran plat et/ou un portable permet de faire baisser la consommation de 300-400 watts à 50-60 watts, note-t-il. Comme si vous aviez coupé un radiateur. En été, cela peut éviter la clim.» Conscients de ces problèmes et confrontés à une pression croissante, les deux principaux fabricants mondiaux de puces, Intel et AMD, ont eux aussi fini par déclarer la guerre aux kilowatts en mettant au point de nouveaux processeurs accroissant les performances tout en diminuant la puissance pure.
Enfin, certains fabricants ont même été félicités par Greenpeace, pourtant pas très tendre, qui édite un classement trimestriel des «entreprises high-tech responsables». Deuxième derrière le Finlandais Nokia, le Chinois Lenovo a ainsi régulièrement trusté la première place, loin devant le Californien Apple, longtemps dernier et désormais dixième. Encore un effort, mister Jobs…