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En diminuant leur consommation et en investissant dans les pays en développement, le plus souvent dans l'assainissement d'installations peu efficientes. Ces entreprises, de plus en plus nombreuses, achètent des certificats d'émissions à des coûts raisonnables qui leur permettent d'atteindre rapidement leur objectif environnemental.
Et si la Suisse adoptait une telle politique?
L'actuel Protocole de Kyoto expirera en 2012. Des négociations sont d'ores et déjà en cours pour un second protocole que les Nations unies souhaiteraient plus contraignant et étendu également aux pays en voie de développement.
Dans La Vie économique Thomas Roth, du Secrétariat à l'économie (Seco) plaide, avec de solides arguments, pour l'adoption du principe de la neutralité climatique. Schématiquement, il ne serait plus simplement question de limiter nos émissions de C02 mais de les compenser intégralement, en grande partie à l'étranger, dans les pays où les mesures d'assainissement sont les plus efficaces et les moins chères. Selon les estimations de la Fondation pour le centime climatique, une tonne de C02 compensée revient à 152 francs en Suisse contre 21 francs à l'étranger. Ainsi donc, le même franc investi en Inde ou en Chine permet un effet de levier sept fois plus important que le même franc dépensé en Suisse. La Suisse serait d'autant mieux placée pour le faire que sa production de gaz à effet de serre est faible en comparaison internationale. Ce qui ne veut pas dire que le mode de vie des Suisses est plus respectueux de l'environnement mais simplement que l'économie domestique est dominée par les services. Comme le rappelle très justement Thomas Roth, «les produits à forte intensité énergétique sont importés, tandis que les émissions générées lors de leur fabrication sont comptabilisées là où elles sont libérées dans l'atmosphère, c'est-à-dire à l'étranger». Selon les évaluations, la Suisse importe en réalité une quantité importante d'émissions dite grises, qui représenteraient 75% des émissions intérieures.
Concrètement, la neutralité climatique intégrale impliquerait que tous les émetteurs de C02 doivent compenser leurs émissions et que la taxeC02 soit étendue à toutes les sources d'émissions. La taxe, une fois collectée, ne serait pas remboursée à la population, comme c'est le cas actuellement, mais servirait à financer l'achat de certificats à l'étranger. La différence entre la taxe et le prix des certificats serait répercutée sur les consommateurs finaux. Un tel mécanisme aurait l'avantage de la simplicité et permettrait d'aider efficacement les pays en développement à réduire leurs émissions, dont on sait qu'elles vont croître très rapidement durant les prochaines décennies. Le prix d'une telle politique? Selon Thomas Roth, le coût de la neutralité helvétique intégrale serait légèrement inférieur au prélèvement de la taxe C02 telle qu'elle a été décidée. Grosso modo, elle équivaudrait à une dépense annuelle d'investissements de 1,5 à 2 milliards de francs. Bien évidemment, à très long terme, il est probable que la valeur des certificats étrangers grimpera à un niveau à partir duquel il ne sera plus rentable de les acheter, ni même envisageable de poursuivre la neutralité intégrale mais préférable de payer la taxeC02 qui internaliserait alors le coût réel de la pollution.
Sur le plan diplomatique, la neutralité climatique intégrale servirait de monnaie d'échange à l'égard des pays en développement, dont on sait qu'ils ne voudront pas supporter seuls le poids de la lutte contre les gaz à effet de serre. Les fonds investis par la Suisse pourraient être considérés comme une aide et faciliteraient les transferts technologiques.
Si cette option est séduisante sur le papier, elle se heurte cependant à de sérieux obstacles politiques et mêmes éthiques. Les certificats d'émissions ont mauvaise réputation et à raison: les abus sont légion et les scandales à répétition entachent le mécanisme mis en place par la bureaucratie onusienne et européenne. Les électriciens et industriels allemands et français ont, par exemple, réalisé des profits scandaleux en achetant à bas prix des certificats en Inde ou en Chine qui n'ont jamais eu de contreparties réelles. Certains experts parlent ouvertement d'une machine à blanchir la pollution et à engraisser les innombrables consultants qui gravitent autour des tonnes de carbone.
Mais reste l'essentiel: un mécanisme économique qui permet de lutter contre l'augmentation des gaz à effet de serre en suivant une courbe d'apprentissage la plus économe, en favorisant les investissements là où leur efficacité est la plus grande. D'ici la fin de l'année, la Suisse devra prendre position sur la suite à donner au protocole de Kyoto. Il est probable qu'elle demandera à adhérer au système d'échanges mis en place par Bruxelles. Un nouveau dossier de négociation bilatérale avec l'Union européenne et qui a le soutien inconditionnel des groupes industriels suisses alors même que leurs représentants à Berne militent contre la compensation du C02 à l'étranger... |