Le protocole de Kyoto menace celui de Montréal. Depuis quelques mois, les HFC font la une des médias internationaux. Les projets de mécanisme de développement propre dans lesquels ils sont impliqués favorisent la production de substances détruisant la couche d’ozone.
Un chercheur a montré, cette année, que l’application du protocole de Montréal visant à réduire les rejets de substances appauvrissant la couche d’ozone (Saco) avait permis une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) plus importante que le protocole de Kyoto lui-même (1). Malheureusement, ce n’est pas réciproque. Le protocole sur les émissions de gaz à effet de serre s’avère nocif pour la couche d’ozone. Et ce, à cause des HFC. Pourtant ces molécules utilisées comme fluide frigorigène ne représentent même pas 0,3% des émissions annuelles de GES à travers le monde.
En août, Rajendra Shende, chef de la branche Action ozone du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), a déclaré, sans préciser l’ampleur du phénomène, que les plus gros projets Kyoto pour réduire les émissions de GES avaient directement contribué à une augmentation de la production des Saco.
Ces propos ont été tenus après que l’International Herald Tribune et le New York Times avaient dénoncé, en décembre 2006, le développement de projets d’incinération du HFC-23, 12.000 fois plus nocif pour le climat que le CO2. Il s’agit de projets développés dans le cadre du mécanisme de développement propre (MDP). Les entreprises situées dans les pays industrialisés qui se sont engagés à réduire leurs émissions de GES peuvent financer des projets dans des pays en voie de développement comme le Brésil, la Chine ou l’Inde, et ainsi compenser leurs émissions. Cela prend la forme de fermes solaires ou éoliennes qui évitent d’émettre du CO2 provenant d’usines de charbon, mais aussi de projets permettant de prévenir le rejet d’autres GES comme le méthane ou les HFC.
Selon les quotidiens internationaux, installer un incinérateur pour brûler le HFC-23 coûte 5 millions de dollars, mais les entreprises basées dans les pays riches doivent débourser 500 millions de dollars pour participer au projet. Une addition salée due à la valeur du CO2 sur le marché européen. Malgré cela, les entreprises étrangères continuent à investir dans ces projets bien moins coûteux que diminuer les émissions de GES de leurs propres usines. Cependant, certaines voix commencent à critiquer ce système qui enrichit plus quelques banquiers, consultants et propriétaires d’usines qu’il ne sauve la planète.
Ce succès est tel qu’en Chine, certaines usines ont augmenté leur production de produits chimiques pour pouvoir brûler plus de HFC-23. Or, ce gaz est en fait un sous-produit émis lors de la fabrication du HCFC-22 qui présente la particularité d’être une Saco dont on n’attend pas l’interdiction dans les pays en voie de développement avant 2025.
Pis: selon Michael Wara, chercheur de l’université de Stanford cité par Reuters, «les entreprises ont réglé le processus industriel pour doubler la quantité de HFC-23 normalement produite. Toutes les usines participant à un MDP émettent 3 tonnes de HFC-23 pour100 tonnes de HCFC-22 produits contre un rapport de 1,5 sur 100 en Europe ou aux Etats-Unis.» Résultat: le protocole de Kyoto met en danger le succès de celui de Montréal.
Selon Nick Nuttall, porte-parole du bureau du directeur exécutif du Pnue, «le Pnue et la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) prévoient de clarifier ce problème lors du rendez-vous du protocole de Montréal la semaine prochaine.»
par Claire Avignon