Faudra--t-il bientôt interdire la pêche en eau douce dans notre Pays ? Interrogation alarmiste ou prévision d'une nouvelle catastrophe sanitaire ?
Nous nous émouvions il y a quelque mois de la contamination par les PCB de la Somme et des étangs de la Haute Vallée de la Somme conduisant de nombreux pêcheurs professionnels d'anguilles à cesser leur activité. Pollution historique ou récente, influence du tissu industriel saint-quentinois sont au coeur des interrogations des pêcheurs de la Somme.
Cet été, les autorités sanitaires décrêtaient l'interdiction de consommation des poissons du Rhône d'abord au Nord du Rhône puis dans la Drôme, l'Ardèche, le Vaucluse, le Gard et les Bouches du Rhône en raison de taux de PCB supérieurs aux normes sanitaires.
Une pollution nouvelle ? Pas vraiment mais avec les nouvelles normes sanitaires européennes, les niveaux qui n'étaient pas jugés jusqu'alors préoccupants le sont devenus.
Cette pollution invisible s'est accumulée pendant des décennies dans les vases et les boues des écosystèmes aquatiques et contamine aujourd'hui l'ensemble de la chaîne alimentaire. Une étude réalisée en 2006 sur le canal de Jonage alimenté par les eaux du Rhône montrait déjà que l'ensemble des espèces était contaminé de façon égale par les PCB sur toute la longueur du canal.
Bien qu'en l'absence de données de consommation locale des poissons de rivière il soit difficile d'estimer l'exposition des populations qui consommeraient de tels poissons, l'analyse des données de contamination de PCB mesurés, notamment au regard de la limite maximale, fixée par le règlement (CE) n° 199/2006, de 8 pg TEQOMS/g de poids frais pour les PCB-DL+dioxines, avait conduit le Préfet du Rhône à l'interdiction de la mise à la consommation de ces poissons.
La note de l'AFSSA du 13 mars 2006 souhaitait ainsi l'extension de l'étude du canal de Jonage à la contamination du Rhône au travers de la contamination des poissons, associée à une étude de la consommation de ces poissons par les populations riveraines.
Polluant ubiquiste de l’environnement caractérisé par une persistance importante dans les milieux aquatiques (dans une eau à pH 8,4 de 20°C, le temps de demi-vie est de l’ordre du siècle) et une non biodégradabilité, le PCB possède comme le DDT des capacités de bioaccumulation dans la biomasse et de bioamplification spectaculaire dans les réseaux alimentaires. Des études menées sur l’ichtyofaune du lac Léman ( interdiction de l’utilisation par les industries de PCB en 1990) montrent que c’est seulement après 2010 que la concentration maximale de ce polluant sera atteinte puis commencera à diminuer dans la faune piscicole.
Avec les PCB, bien qu'interdits en France depuis 1987, nous sommes véritablement assis sur une vraie bombe à retardement. Les sources de contamination des denrées alimentaires aux PCDD/F et aux PCB sont d'origines différentes : les PCDD/F sont formés au cours de processus thermiques accidentels (feux de forêt) ou non (incinération des déchets, brûlage à l’air libre) et au cours de processus industriels (métallurgie, traitement des pâtes à papier, …). Les PCB (polychlorobiphényls) sont des mélanges industriels produits depuis les années 30 jusqu'en 1987, date de leur interdiction en France. De plus, des PCB sont émis chaque année pour l'ensemble du territoire métropolitain, notamment lors de l'incinération des déchets et la combustion de la biomasse. Il n'existe donc pas d'origine unique pour les dioxines et PCB.
Sur le Rhône, outre tous ces facteurs, certains pêcheurs tournent aussi leur regard vers l'unité d'élimination des déchets de TREDI à St Vulbas. En 1988, l'usine créée en 1975 était encore autorisée à déverser 1,5 kg de PCB par jour dans le Rhône par les autorités sans véritable contrôle de l'administration. Racheté depuis 5 ans par le groupe Séché Environnement, cette unité de retraitement de déchets ne rejette plus qu'un gramme par jour. Après des années de silence coupable ou de laxisme faute de moyens et/ou de volonté, l'administration n'a pas ouvert les yeux sur cette catastrophe sanitaire. La prise de conscience est enfin en train d'émerger, une étude approfondie vient d'être lancée sur l'ensemble du bassin du Rhône et de ses affluents....
Mais à la lumière des informations qui remontent des différentes régions françaises, Moselle, Somme, Seine, Loire...., c'est à l'échelle de tout le territoire français, milieux aquatiques d'eau douce mais aussi zone littorale qu'il s'agit d'établir les niveaux de contamination en dioxines et PCB apparentés aux dioxines pour aboutir à une évaluation nationale du problème dioxines dans l'alimentation par les poissons et produits de la mer, principaux contributeurs de l'exposition des adultes aux dioxines et PCB (48 %) selon l'AFSSA.
Par Eric Delhaye, Porte-parole de CAP21