L'ex vice-président des Etats-Unis est passé en à peine plus d'un an du statut d'homme politique américain le plus ridicule à celui de star mondiale susceptible de retenter sa chance dans la course à la maison blanche.
C’est, comme l’écrit le Washington Post, « un grand chelem inédit » qu’Al Gore vient de réaliser à 59 ans. Depuis l’an dernier, l’ex-vice-président américain, reconverti dans l’écologie, a, tour à tour, décroché un Oscar pour son documentaire Une Vérité qui Dérange ; un Emmy - le prix télé -, en récompense de sa chaîne « citoyenne » Current TV ; un best seller - son pamphlet anti-Bush The Assault on Reason, sorti en mai- et, last but not least,un Nobel de la Paix.
En lui décernant ce matin cette récompense conjointement avec le GIEC (le Groupe d’Experts Intergouvernemental de l’ONU sur l’Evolution du Climat), le comité Nobel a voulu honorer « la personne qui a sans doute le plus fait pour que le monde comprenne la nécessité des mesures à prendre » contre le réchauffement planétaire. Gore, qui hier encore, feignait de considérer ce vendredi comme « une longue journée de travail comme les autres« avant un week-end mérité dans sa demeure du Tennessee, s’est dit « profondément honoré » par ce prix. Mais il n’a pas répondu à la question que se pose l’Amérique : armé de ce Nobel, peut-il encore ne pas se présenter à la présidentielle?
S’il répète qu’il n’a pas l’intention de refaire de la politique, le candidat malheureux à l’élection de l’an 2000 n’a jamais fait de déclaration définitive sur sa non-participation au scrutin de novembre 2008. Dans les sondages réalisés auprès des démocrates, il continue de recueillir entre 15% et 17% des voix bien qu’il ne cherche pas officiellement l’investiture du parti, ce qui le place troisième derrière Hillary Clinton et Barack Obama. Un comité qui milite pour sa candidature, Draft Gore, s’est offert, cette semaine, une pleine page de publicité à 65.000 dollars dans le New York Times pour l’exhorter à mettre « son expérience, sa vision, sa position dans le monde et son courage politique » au service de la Nation. 136.000 personnes ont déjà signé la pétition…
Un drôle de retour en grâce pour ce « comeback kid » qui, jusqu’à il y a quelques mois, s’attirait les quolibets de la presse et des Américains. Il était de bon ton de se moquer de ses prétendues déclarations sur son « invention d’internet » ; de se gausser de sa prétention à avoir, avec sa femme Tipper, inspiré les personnages du romanLove Story d’Erich Segal ; de dénoncer son ton professoral. Son engagement en faveur de l’environnement a bouleversé l’image de celui que Bush père a surnommé « Ozone Man ». Les médias applaudissent sa capacité à mobiliser l’opinion depuis que deux milliards de personnes dans le monde ont assisté aux concerts Live Earth en juillet. Ses positions sur les guerres du Golfe lui valent un sans-faute : il a voté en faveur celle de 1991 et contre celle de 2003. Et sa connaissance des nouvelles technologies n’est plus contestée : ne siège-t-il pas au conseil d’administration d’Apple tout en ayant conseillé Google ?
Le Nobel finit de restaurer son aura. Mais, comme le souligne l’écrivain Christopher Hitchens dans le journal Slate, « remporter la primaire d’Oslo ne le prédispose pas forcément à gagner dans le Missouri ou le Colorado »…