Michel Barnier, ministre de l'Agriculture et de la pêche, a annoncé un plan pour favoriser le développement de l'agriculture biologique. Dans un contexte où la réglementation européenne va changer en 2009, où la demande des consommateurs augmente et où un groupe comme Danone a rejoint ce marché, la bio est à l'heure des mutations.
Recherche, formation, réorganisation et promotion de la filière, voici quelques-uns des axes du plan d'action " Agriculture biologique : horizon 2012" annoncé par Michel Barnier le 12 septembre 2007, lors du grand conseil de l'Agence Bio, organisation qui fédère l'ensemble des acteurs de la filière. L'objectif de ce plan, qui fera partie des propositions du Grenelle de l'environnement, est simple : amener l'offre bio nationale au niveau de la demande d'ici 2012. En effet, classée 13e producteur européen de produits bio en 2004, la France importe la moitié de sa consommation. Pour Michel Barnier : "Il n’y a rien d’incontournable à ce que la France, grande puissance agricole, et pays de terroirs, ne soit aussi un des leaders en production biologique." "Je suis à la fois satisfait et réservé face à l'annonce de ce plan, " déclare Vincent Perrot, Délégué général de la Fédération Nationale des Agriculteurs Biologiques (FNAB). "Michel Barnier a l'air de bonne volonté pour développer l'agriculture biologique. Restent à connaître les moyens qui accompagneront ce plan. Précédemment, les mesures annoncées par Hervé Gaymard (ancien ministre de l'Agriculture,ndlr), notamment sur la formation, n'ont jamais été suivies des faits." En outre, la FNAB s'interroge sur l'articulation de ce plan avec l'ensemble de la politique agricole menée par le gouvernement. "Le monde a changé et les produits agricoles sont de plus en plus chers. En réponse à cette situation, choisit-on de produire plus, de promouvoir le développement des agrocarburants, de favoriser les OGM, de poursuivre une production intensive avec des produits chimiques ou alors, en suivant les conclusions d'un rapport de la FAO*, de développer la bio car elle peut nourrir le monde ?" demande Vincent Perrot. En souhaitant renforcer l'adéquation entre offre et demande des produits bio, ce plan répond à une attente ancienne des acteurs de la filière, qui espèrent plus qu'un simple effet d'annonce. Un grand groupe au pays des petits producteurs En rachetant Stonyfield, il y a environ un an, et en lançant la marque de yaourts bio "Les deux vaches", le groupe Danone se positionnait de manière claire sur le marché du bio. "En 2006, 40% du lait bio français finissait par être collecté comme du lait conventionnel faute de débouchés. Notre objectif n'est donc pas de marcher sur les plates-bandes des autres acteurs mais d'offrir plus de garanties aux fermiers bio," explique Anne Thévenet-Abitbol, qui est en charge de la marque "Les Deux vaches" au sein du groupe Danone. Réglementation nationale versus réglementation européenne ? Même si Bernard Giraud souligne que "d'abord, l'organisation du système agricole est définie par la PAC et, ensuite, Danone n'est pas l'acteur unique et majeur du secteur agricole," l'arrivée d'un géant de l'agro-alimentaire peut aussi changer la donne dans l'évolution du secteur. Car l'autre transformation à venir de l'agriculture biologique c'est la mise en place de la nouvelle réglementation européenne en janvier 2009. Réglementation qui fixe, par exemple, le seuil de présence accidentelle d'OGM à 0,9% à l'instar de l'agriculture traditionnelle. Pour Juliette Leroux, en charge de ces questions à la FNAB : "Ce n'est pas tant d'harmonisation qu'il s'agit que d'une flexibilité accrue, d'autant que des dérogations peuvent être accordées aux états membres." "Concernant les annexes de cette réglementation, on espère que Michel Barnier nous soutiendra. Mais sur la question des OGM et le seuil de 0,9% dans les produits bio, je ne suis pas sûr qu'on puisse revenir en arrière," commente Vincent Perrot. Et Juliette Leroux de rappeler que même avec une nouvelle réglementation, "les agriculteurs ne vont pas changer leurs pratiques du jour au lendemain et jusqu'ici le renforcement de la crédibilité du bio tient à la rigueur des professionnels du secteur." Car si cela s'avérait nécessaire pour garantir un niveau d'exigence de l'agriculture biologique française auprès du consommateur, la FNAB serait prête à mettre en place une marque privée, aux côtés du logo AB, propriété du ministère de l'Agriculture. Mais elle sait qu'une telle décision risquerait d'affaiblir la lisibilité des produits. Un risque également souligné par Anne Thévenet-Abitbol : "La force du bio aujourd'hui réside autour de son appellation et du logo AB. Si on complexifie, on prend le risque de la confusion. Deux préoccupations restent essentielles à ce jour : que le cahier des charges de l'agriculture biologique reste rigoureux et que le consommateur s'y retrouve simplement." * Les 3 et 5 mai 2007, lors de la Conférence Internationale sur l'agriculture biologique et la sécurité alimentaire, Nadia Scialabba la FAO a présenté les conclusions de son rapport. Selon elle, “Ces modèles suggèrent que l’agriculture biologique a le potentiel de satisfaire la demande alimentaire mondiale, tout comme l’agriculture conventionnelle d’aujourd’hui, mais avec un impact mineur sur l’environnement.” |