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>Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM) est une pasionaria du développement durable, reconnue, ici et là, sur l’échiquier bigarré de l’environnement. Une tête de madone écolo, 34 ans, polytechnicienne, ambitieuse et bûcheuse (à moins que ce ne soit l’inverse), familière des ONG qui l’apprécient, elle se vouait à Juppé, elle hérite de Borloo. Incollable, amie de Nicolas Hulot qu’elle a contribué à rapprocher de Nicolas Sarkozy durant la campagne, NKM n’a rien de la plante verte. A l’instar de Jean-Louis Borloo, avec qui elle fait plutôt bon ménage, la frêle secrétaire d’Etat sait que le plus dur est à venir : donner du sens politique au Grenelle de l’environnement, ne pas laisser retomber le soufflé écolo au moment où la croissance vacille et où les sarkozystes sont plaqués dans leurs 22 mètres par les comptes publics, toujours piètres, et qui empoisonnent la vie du pays depuis des lustres. | <>
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>Et le Grenelle de l’environnement ? L’exercice, mégalo, politique, sous forme de vaste consultation publique, est un petit Kyoto à la française. De par sa conception, son architecture, son imaginaire, c’est un projet unique en son genre sur la planète Terre. La France n’adore rien moins que se distinguer, en l’occurrence, pour la bonne cause. Mais de quelle ambition accouchera la montagne Grenelle ? D’une somme de contraintes qui s’imposeront à des Français versatiles par nature ? De la limitation de vitesse et de nouveaux impôts ? Par ici les milliards ! D’aucuns, à Bercy, se pourlèchent déjà les babines à l’idée d’une néo-fiscalité écologique. Pour le dire autrement, se dessine l’idée que l’environnement ferait une excellente “vache à lait” d’un nouveau type ; un prétexte hypocrite, “agréable et difficilement contestable pour lever de nouveaux impôts”, s’inquiête NKM. Du coup, “le risque pointe de jeter le bébé avec l’eau du bain, et la fiscalité environnementale avec les fantasmes de tous ceux qui voudraient l’instrumentaliser pour financer d’autres dépenses ou tout simplement des déficits publics”. Que nenni ! Dans l’ombre de Jean-Louis Borloo, Kosciusko-Morizet promet de faire bonne garde. En la matière, il y a deux écueils à éviter : une fiscalité de financement et une fiscalité punitive, plaide la première dame écolo de droite et qui le revendique. De fait, la fiscalité de financement est “construite dans le seul objectif de lever des fonds, autrement dit avec assiettes larges et taux faibles. Elle n’a pas vocation première à modifier les comportements. Pire, elle s’accommode mal d’une modification des comportements car, dans cette hypothèse, l’assiette se réduit. Autrement dit, sous des “oripeaux écologiques”, elle vise des objectifs différents, voire divergents”. Et puis, il y a la fiscalité punitive. Elle n’a de fondement qu’idéologique. C’est le “taxons pour punir, quand bien même aucune alternative au comportement polluant ne se dessine à un horizon prévisible”. Aux orties, là aussi ! Reste donc la voie d’une fiscalité incitative, bâtie sur de “vrais objectifs écologiques” et des comportements pour lesquels une alternative existe déjà, résume NKM. Exemple, taxer le transport aérien sur les vols intérieurs concurrencés par le TGV. Autre piste évoquée, l’éco-pastille, assise sur les émissions en CO2 des véhicules : une taxation peut faire évoluer le parc vers des modèles plus économes. Comme tant d’autres, ce sont des idées et propositions des six groupes de travail qui ont rendu leurs copies : quinze plans programme au total, et la suite aux prochains épisodes de l’automne. La secrétaire d’Etat à l’Ecologie prend les devants : “On ne laissera pas écarter les Français de propositions intéressantes, utiles, peut-être indispensables, le tout sur la base de faux motifs. Il s’agit d’un vrai moment de démocratie, et si certaines des propositions bousculent les habitudes et les intérêts, c’est maintenant aux Français de dire qu’ils sont prêts à passer à l’action.” Où, quoi, comment ? Bonnes questions, car le diable se cache parfois sous des formules lapidaires et/ou maladroites, et pas seulement dans les détails. En clair, les Français sont-ils prêts à payer la note du changement climatique ? Le rapport du Britannique Nicholas Stern sur le coût de la “non-action” ; celui, postérieur, de Christian de Boissieu, ont permis, à leur manière, de ne pas réduire le défi écologique aux icônes médiatiques nationales, les Nicolas Hulot et autres Jean-Louis Etienne. Après le besoin de mobilisation, le désir de mobilisation ? Les enquêtes l’attestent, l’opinion a intégré la nécessité de l’action que suggère l’état de la planète, du pôle Nord aux forêts équatoriales. Or le risque politique n’est pas “seulement” de ramener la question à une simple affaire d’impôt, c’est tout simplement de décevoir. L’écologie ennemie de la croissance et du standard de vie ? Même George W. Bush a l’air de faire son aggiornamento idéologique. Kosciusko-Morizet n’oublie évidemment pas la référence au discours onusien de Nicolas Sarkozy. Le New Deal économique et écologique du président de la République est plus qu’un effet de tribune. Il est sans doute à creuser, même si l’idée n’a pas transporté les foules. “Le chef de l’Etat veut conjuguer écologie et démocratie, il est dans le vrai, professe NKM, car si l’on n’y prend garde, si on ne prend pas aujourd’hui les résolutions utiles et nécessaires, la crise écologique peut faire le lit du totalitarisme à terme.” Grenelle : quarante ans après les accords historiques d’un mois de mai incandescent, l’écologie. La révolution sociétale après le choc social. De nécessité, il faut faire du développement durable une opportunité. Quelque chose qui pourrait tout aussi bien déboucher sur un protectionnisme nouveau, fait de normes et de régulations, et qui sera d’un vrai secours pour l’Occident consommateur torturé par le dumping économique et social de la Chine et des autres pays émergents. L’affaire des jouets Martel est un signe. Nathalie Kosciusko-Morizet retourne la question à sa façon : “Nous avons, nous, la volonté de développer une nouvelle croissance, plus riche en emplois et en environnement, incitatrice de comportements plus vertueux. Une fiscalité environnementale bien construite se doit d’intégrer des stratégies et des technologies plus innovantes.” Sous les pavés du bilan carbone, un projet de société. |