Désastre industriel, menace pour l'emploi, manoeuvres politiques: les constructeurs allemands, spécialistes des grosses berlines, crient à l'injustice à la veille de l'annonce par Bruxelles des objectifs de réduction des émissions de CO2 pour les voitures.
La Commission européenne doit présenter mercredi le détail de ses mesures pour obliger les fabricants à proposer des véhicules qui n'émettront plus que 130 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre.
Très attendues de chaque côté du Rhin, elles font l'objet d'un véritable bras de fer franco-allemand autour du montant et du mode de calcul des pénalités infligées aux contrevenants.
"La guerre du climat autour de la voiture", lance en une cette semaine l'hebdomadaire économique allemand Wirtschaftwoche, avec une caricature du président français Nicolas Sarkozy sautant à pied joint sur le capot d'une Mercedes.
La semaine dernière, après le vote du bonus-malus français, le président de la fédération allemande de l'automobile Matthias Wissmann avait ainsi directement accusé Paris de vouloir torpiller BMW, Daimler ou Volkswagen.
Même la chancelière allemande Angela Merkel est intervenue dans le débat vendredi: "Nous allons nous battre pour nos intérêts".
Les constructeurs allemands, spécialistes des berlines particulièrement lourdes et gourmandes en carburant, craignent en effet d'être les premières victimes des sanctions européennes. Et ce même si, à la demande de Berlin, la Commission semble s'orienter vers une grille différenciée selon le poids des véhicules.
"La mise en place des objectifs de CO2 pourrait les toucher plus durement que prévu", estime ainsi une étude publiée lundi par le directeur du Centre de recherche automobile (CAR), Ferdinand Dudenhöffer.
Selon les simulations qu'il a réalisées, en prenant l'hypothèse d'une amende de 60 euros par gramme excédentaire et d'une pondération moyenne par le poids, presque toutes les voitures haut-de-gamme allemandes seraient pénalisées.
Tous les bolides de Porsche seraient sanctionnés par des amendes comprises entre 4.000 et 8.000 euros, de plus de 10.000 euros pour le tout-terrain M6 de Mercedes ou de 11.000 euros pour le coupé Audi R8! Seul BMW tirerait son épingle du jeu.
"L'impact sur la profitabilité des constructeurs haut-de-gamme en Europe sera considérable", conclut Ferdinand Dudenhöffer.
"Oui, l'industrie allemande sera plus touchée par les mesures de Bruxelles que les autres, mais à raison!", s'exclame de son côté Jürgen Resch, responsable de l'ONG environnementale Umwelthilfe. "Non seulement elle n'a pas fait assez d'efforts ces dernières années mais en plus elle a commercialisé des véhicules de plus en plus polluants!"
Selon une étude publiée par l'ONG européenne Transport et Environnement, les constructeurs allemands émettent en effet 173 grammes de CO2 en moyenne, contre 144 g pour les français. Pire, les deux premiers groupes automobiles du pays, Daimler et Volkswagen, ont vu leurs émissions augmenter en 2006.
"La population s'est très largement préparée à faire des sacrifices pour l'environnement mais c'est très différent dans l'industrie", reprend M. Resch.
"Ce sont les Allemands qui ont inventé et propagé l'idée que la voiture est un symbole du statut social", ironise Wolfgang Lohbeck, expert de Greenpeace. "Ils peuvent se plaindre maintenant, mais ils sont comme l'arroseur arrosé!"
L'industrie automobile emploie au total 740.000 personnes en Allemagne et reste le secteur qui contribue le plus fortement à l'économie.