Après le succès phénoménal de son livre La Terre vue du ciel (plus de 3 millions d'exemplaires vendus dans le monde), Yann Arthus-Bertrand redescend sur terre. Littéralement. Pour sa série "Tarmacs", le photographe a exercé ses talents à quelques mètres du sol, troquant l'hélicoptère pour... l'escabeau. Jusqu'au 26 janvier, Galerie Louis Carré (10, avenue de Messine, Paris-8e), l'artiste montre des images qui risquent de surprendre ses aficionados, habitués à ses paysages grandioses ou à ses portraits glamour d'animaux.
Car ces grandes oeuvres sombres (120 × 180 cm), traversées de balafres blanches ou jaunes, ressemblent à s'y méprendre à des toiles abstraites. Elles sont d'ailleurs exposées dans une galerie spécialisée dans les maîtres de la peinture, de Gaston Chaissac à Fernand Léger. "Tarmacs" montre en fait des photos de pistes d'atterrissage. "En laissant de la gomme, les pneus tracent comme des coups de pinceau sur le sol, explique Yann Arthus-Bertrand. C'est très noir, ça ressemble à Soulages, j'ai trouvé ça beau." Le photographe a réalisé cette série dans une vingtaine d'aéroports du monde, lorsque les pistes sont fermées.
Dans le catalogue de l'exposition, Valère Bertrand n'hésite pas à annoncer que "Yann Arthus-Bertrand est devenu peintre". Et tente un audacieux parallèle entre les affiches arrachées de Jacques Villéglé, ces "lacérés anonymes", et les "atterris anonymes", de Yann Arthus-Bertrand. L'intéressé demeure "photographe avant tout", mais ajoute : "C'est vrai que là, j'ai essayé de faire vibrer ma fibre artistique. C'est plus personnel, je me sens libre, je m'amuse." D'après lui, "ce sont les gens qui décideront si je suis un artiste, en achetant ou non les oeuvres". Les photographies de la série "Tarmacs" sont vendues 12 000 euros. Le public comprendra-t-il que Yann Arthus Bertrand passe de la défense de la nature à la méditation sur les pistes d'aéroports ? Le photographe n'a aucun doute : "Les avions, l'industrie, font partie de la terre. Et bientôt il n'y aura plus de pétrole. Donc ce que j'ai photographié, c'est un peu des choses en voie de disparition".
Claire Guillot
Article paru dans l'édition du 29.12.07.