Pénalisant, biaisé, injuste: les 27 contestent le calcul et le mode de partage des efforts proposés par Bruxelles pour réduire les gaz à effet de serre, conséquence pourtant logique de leur ambition d'être les champions de la lutte contre le changement climatique.
Le spectre des délocalisations agité par les industriels, furieux de devoir désormais payer pour polluer, a mis sous pression les dirigeants de l'Union.
"Nous savions dès le début que transformer l'Europe en une économie à faible émission de carbone ne serait pas une tâche aisée", a reconnu le président de la Commission européenne José Manuel Barroso. "Mais le moment est venu d'être sérieux, cohérents et responsables face à nos engagements".
Les propositions de la Commission résultent de l'engagement pris en mars 2007 par les dirigeants de l'Union européenne à réduire en 2020 les émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport à 1990.
Elles se déclinent en plusieurs volets et objectifs par pays: réduction des émissions de l'industrie, du transport, de l'habitat et de l'agriculture; augmentation de la part des énergies renouvelables et développement des biocarburants.
Le problème est qu'à la lecture des objections émises par les Etats membres, nombre de ses propositions devraient être retoquées.
Parmi les points controversés, la proposition de répartir l'effort sur la base d'objectifs nationaux fixés en fonction du PIB par habitant, ce qui revient à demander le plus d'efforts aux pays riches.
Le chef de l'Etat français, Nicolas Sarkozy, refuse le principe du PIB par habitant et demande de retenir "le niveau de départ des émissions par habitant", faible en France grâce au nucléaire.
La Commission refuse de considérer le nucléaire comme une énergie renouvelable, mais admet qu'il "peut contribuer aux objectifs" de réduction.
Les pays d'Europe centrale jugent l'effort à accomplir tout aussi colossal vu le rattrapage économique à réaliser.
Et l'Espagne ou l'Irlande, devenus plus riches depuis 10 ans, ne se sont pas préparés à l'effort qui leur est demandé.
La Commission propose 2005 comme année de référence pour les émissions de CO2 de l'industrie et pour les énergies renouvelables, appelées à contribuer à l'effort.
Ces énergies propres --éolienne, solaire, biomasse, géothermie-- devront représenter 20% de la consommation énergétique des Européens en 2020, contre 8,5% actuellement.
De nombreux pays comme la France et la Belgique - qui devrait porter la part des énergies renouvelables de 2% à 13% - refusent tout objectif qui ne tienne pas compte de leur "potentiel".
Quant aux biocarburants, appelés à contribuer à 10% de la consommation pour les transports, ils sont l'objet de critiques croissantes et devront respecter des critères "très stricts" de production pour être retenus.
Plusieurs Etats membres dont la France, l'Allemagne, ou la Roumanie ont par ailleurs insisté sur les risques de délocalisations massives si les entreprises européennes doivent payer de plus en plus cher leurs droits à polluer.
La négociation s'annonce difficile. "Nous allons devoir travailler dur pour parvenir à faire adopter ce paquet fin 2008", a reconnu M. Barroso, qui défendra ces propositions mercredi devant les élus européens.
Cayetano Lopez, vice-directeur du Centre de recherche espagnol sur l'Energie, l'Environnement et la Technologie, ironise devant cette avalanche de critiques.
"Nous voulons lutter contre le changement climatique, mais sans renoncer aux grosses cylindrées et sans augmentation du prix des combustibles. Nous voulons augmenter la part des énergies renouvelables, mais sans hausse du prix de l'électricité et sans impact sur le paysage (...) Tous ces désirs sont incompatibles", a-t-il souligné dans une tribune du quotidien El Pais