La culture du développement durable a du mal à pénétrer la restauration et l’hôtellerie, en dehors de quelques pionniers. Le premier syndicat national du secteur vient toutefois de publier une charte à destination de ses 80 000 adhérents, répondant à une demande tant dans le domaine des loisirs que des affaires
« Dans quelques années, tous les hôtels auront une démarche développement durable. Dans les hôtels scandinaves, c’est un service normal, au même titre que la télé dans les chambres » anticipe Philippe François, directeur du cabinet François Tourisme Consultants, expert sur les questions environnementales qui touchent ce secteur. Et pourtant, à lire la charte des quinze réflexes durables qu’a proposé l’UMIH, premier syndicat national de l’hôtellerie, à ses 80 000 adhérents, suite au Grenelle, on semble encore très loin de cet idéal. Les quinze réflexes de « l’éco-attitude », établis avec l’Ademe, sont les gestes de base, que l’on martèle depuis des années aux particuliers. Nulle remise en cause ici des pratiques très dépensières du métier, comme les laveries qui blanchissent du linge propre ou les produits jetables mis à disposition dans les chambres.
Heureusement, certains groupes ont pris une longueur d’avance. En France, Accor fait figure de pionnier. Sa charte environnementale des quinze gestes date de 1998. Elle a été revue en 2005 et en comporte à présent soixante-cinq, avec un minimum de vingt à réaliser avant de pouvoir l’afficher à la clientèle. « 3292 l’appliquent sur les 4000 hôtels du groupe », selon Nathanaël Mathieu, de la direction DD. Les hôtels Ibis, l’une des marques du groupe Accor, sont certifiés ISO 14001.
Labellisation en cours
Selon Philippe François, « toutes les chaînes mondiales ont à présent une démarche environnementale, même si c’est récent ». Ainsi, le Club Med s’est doté d’un directeur DD il y a deux ans. Hilton y travaille. Les résidences Pierre & Vacances avancent à marche forcée, accompagnés par le WWF. Roland Héguy, vice-président de l’UMIH, estime que les chaînes représentent 60% du parc hôtelier français et « toutes évoquent l’environnement dans leur charte ». Cependant, le client manque de repère fiable. Onze hôtels français seulement portent l’écolabel européen, bien qu’il existe depuis 2003. Compliqué et cher, les établissements font le pas à condition d’être subventionnés, à l’exemple de l’Italie - plus de cent hébergements y sont certifiés. Récemment, on a mobilisé les territoires français et « l’écart avec l’Italie, premier pays européen, va considérablement se réduire en 2008 » selon Patricia Proia, qui gère la marque à la petite fleur en France. « Dans cinq ans, il devrait y en avoir plusieurs centaines » tous labels confondus, estime Philippe François, de FTConsultants.
Anticiper la législation
Mais certains indépendants, en mauvaise santé financière « n’ont pas l’oreille » à ces préoccupations, rapporte Roland Héguy vice-président de l’UMIH, qui tente de faire passer le message d’un atout différenciant, sachant que ce sera bientôt un impondérable : « Nous savons que des décrets vont sortir et que l’environnement va nous coûter cher ! » A Paris, l’un des projets de la prochaine mandature socialiste est de faire payer aux professionnels la collecte de leurs déchets, sauf s’ils trient. « Chez Ibis nous trions dix types de déchets, pour la meilleure valorisation possible. Nous sommes persuadés qu'à terme, nous y aurons un avantage économique car le mélange des déchets va être de plus en plus taxé » témoigne Nathanaël Mathieu, du groupe Accor. « Autant anticiper. Nous gagnerons des points vis-à-vis de la clientèle » ajoute Roland Héguy, de l’UMIH.
Encore faut-il savoir quelle démarche choisir entre la Clef Verte, Green Key, Green Globe, EMAS, Bilan Carbone… Le néophyte s’y perd. Le cabinet FTC aide petits et gros acteurs à choisir le label le plus adapté à leur activité et état d’avancement. Novotel (groupe Accor) vient de choisir Green Globe, encore inconnu en France, parce qu’il est le plus représenté au monde et qu’il certifie une démarche aboutie. Un camping se tournera davantage vers la Clef Verte, plus adaptée à une entreprise modeste.
Formation obligatoire
Mais les fournisseurs de solutions écologiques pour l’industrie touristique ainsi que la formation manquent cruellement. Philippe François a commencé à relier les acteurs d’une offre naissante et d’une demande croissante en créant le salon Ecorismo, dont la seconde édition aura lieu à Arles les 11 et 12 mars 2008. Il y annoncera la création d’Ecorismo Academy, une série de séminaires disponibles pour tous, à l’année, en régions.
Le DD n’est en effet pas encore au programme officiel des écoles hôtelières et étant donné le taux de roulement des salariés, il est difficile de créer une culture. Tout établissement peut toutefois télécharger gratuitement un kit de formation en anglais, édité avec le PNUE*. Mais surtout l’UMIH entend profiter de la nouvelle formation obligatoire liée au permis d’exploitation pour sensibiliser à l’environnement tout hôtel, café, restaurant ou camping dès l’ouverture. Un obstacle de taille s’y oppose encore actuellement : « il nous manque 70 à 100 formateurs, soit la moitié environ » déplore l’UMIH.
*Programme des nations unies pour l’environnement sur www.françoistourismeconsultants.com.