La possible décision de la France d'interdire provisoirement le seul OGM cultivé sur son territoire devrait contribuer à relancer un débat ultra sensible au sein d'une Union européenne prise en tenailles entre des voix dissonantes.
Tergiversations des pays membres, désaccords au sein de la Commission européenne, opinions publiques méfiantes, le tout agrémenté de menaces de rétorsion des pays producteurs d'OGM, ont transformé le dossier en casse-tête européen.
"La Commission veut lancer un grand débat d'orientation dans les semaines à venir sur l'ensemble de sa politique concernant les OGM", soulignait jeudi une source européenne, en espérant que "la France contribue à relancer ce débat".
Une nouvelle autorité sur les OGM nommée par Paris a fait état mercredi des "doutes sérieux" de scientifiques sur le maïs Monsanto 810, génétiquement modifié pour lutter contre les principaux parasites du maïs.
Si la France décide dans les prochains jours d'interdire provisoirement sa culture, elle devra activer une "clause de sauvegarde" en envoyant à la Commission ses nouveaux éléments scientifiques sur cet OGM autorisé depuis dix ans dans l'UE.
Ils seront ensuite examinés par l'Autorité européenne de la sécurité alimentaire (EFSA), qui pourrait mettre des mois -voire des années- avant d'émettre un avis.
Plusieurs pays, qui ont invoqué cette clause pour interdire la culture ou l'importation de ce même maïs (Autriche, Hongrie, Grèce), ont essuyé des rebuffades de l'EFSA, dont la méthodologie est contestée.
Sans néanmoins la moindre conséquence concrète, puisque les pays de l'UE ne parviennent jamais à trancher majoritairement sur ces "clauses", comme le leur demande Bruxelles. Les Etats membres continuent donc d'agir à leur guise à l'issue de cette procédure.
La possible interdiction du maïs transgénique Mon 810 dans le plus grand pays agricole européen arrive donc à point nommé pour les partisans d'une clarification générale.
"Si la France a des informations scientifiques jamais examinées par l'EFSA, cela pourrait changer la donne" pour le seul OGM cultivé dans l'UE, note une source européenne.
Mais l'Espagne, principal pays européen à le cultiver, souligne qu'une interdiction en France ne changerait aucunement sa position.
"Il n'y a pas de preuve que cette variété soit dangereuse pour l'homme", a expliqué jeudi à l'AFP une représentante du ministère espagnol de l'Agriculture, s'appuyant sur son autorisation au niveau européen.
A Bruxelles, le groupe représentant les grands producteurs d'OGM (Croplife International) tels que Monsanto a vivement critiqué la position de la France, susceptible "de dénier à ses agriculteurs la liberté d'utiliser les méthodes biotechnologiques les plus productives et efficaces".
Son président Howard Minigh a averti que la France "n'arrêterait pas l'élan de ce type de cultures en Europe". Il a rappelé que l'Allemagne avait levé en décembre son interdiction sur la culture du Mon 810, après une "étude scientifique adéquate".
La Commission, elle-même très divisée sur les nouvelles autorisations d'OGM, est aussi confrontée aux risques de représailles commerciales des pays producteurs.
En septembre 2006, l'OMC (Organisation mondiale du commerce) - agissant sur plainte des Etats-Unis, de l'Argentine et du Canada à la suite du moratoire sur les OGM imposé par l'UE jusqu'en 2004 - demandait notamment à l'UE de lever une clause de sauvegarde de l'Autriche interdisant depuis 1999 les importations de Mon 810. Au risque de s'exposer à des sanctions...après le 11 janvier 2008.
La Commission ne s'attend à aucune mesure dès vendredi.
Par Par Catherine MARCIANO AFP