Les dirigeants européens pourraient reculer sur les biocarburants
- Paquet Energie-Climat : la Commission propose des solutions pour limiter le changement climatique
- Les experts scientifiques de la Commission discréditent la politique européenne sur les biocarburants
Contexte :
Au niveau européen ou au niveau français, les agrocarburants (ou biocarburants) sont souvent présentés comme une alternative aux énergies d’origine fossile, aussi bien pour assurer une certaine indépendance énergétique que pour réduire les émissions de gaz à effets de serre (GES).
Les biocarburants sont produits à partir de matériaux de la biomasse (canne à sucre, graines de colza, blé, paille, bois) transformés en carburants pour les transports.
Leur avantage réside dans le niveau théoriquement peu élevé d'émissions de gaz à effet de serre (GES) que permet leur utilisation. En outre, contrairement au pétrole et au gaz, ils sont plus abondants et disponibles au niveau national. La production de biocarburants pourrait constituer une nouvelle source de revenus et offrir de nouvelles opportunités d'emploi pour les agriculteurs européens après la réforme de la politique agricole commune.
Une distinction est opérée entre les biocarburants de première génération, principalement extraits des produits agricoles comme la betterave à sucre et les graines de colza, et les biocarburants de seconde génération, qui proviennent de sources de matières ligno-cellulosiques ou "de bois" ou de nouvelles technologies afin de convertir la biomasse en liquide (BTL).
Les biocarburants de deuxième génération sont encore au stade de l’évaluation et des études. Mais leur développement rapide et leur commercialisation sont recherchés car ils pallient un important défaut attribué à la première génération. Reposant sur des produits agricoles, il leur est reproché de concurrencer fortement la production destinée à l’alimentation et de menacer la biodiversité.
Les deux principaux biocarburants de première génération sont le bioéthanol et le biodiesel. Le Brésil et les Etats-Unis sont les principaux producteurs de bioéthanol et l'UE de biodiesel. L'Allemagne, la France la Suède
Le contexte français
En France, les transports représentent 26% des émissions de GES. Le développement des biocarburants représente donc un enjeu important dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Des objectifs plus ambitieux que ceux prévus au niveau européen ont même été fixés.
En vertu de la loi de programmation des orientations de la politique énergétique (loi POPE), votée en juillet 2005, et de la loi d’orientation agricole de 2006, les biocarburants en France doivent atteindre 5,75% des carburants routiers en 2008, 7% en 2010 et 10% en 2015.
Le gouvernement français a en outre accompagné ces objectifs d’incitations fiscales, telles que des exonérations, pour encourager le recours aux biocarburants, malgré les surcoûts de production qu’ils peuvent entraîner par rapport aux carburants d’origine fossile. la Commission.
Une taxe supplémentaire a également été créée en 2005 pour les opérateurs dont les carburants proposés aux consommateurs ne contiennent pas suffisamment de biocarburants.
Néanmoins, malgré ces efforts déployés au niveau communautaire, comme au niveau national, les résultats semblent loin des objectifs fixés. Ainsi, les biocarburants n’atteignaient qu’1% en 2006 en France, et une étude publiée en 2007 montre qu’en 2010, ils n’atteindront que 4,2% de la consommation énergétique, au lieu des 5,75% prévus par
La politique européenne sur les biocarburants
Lors du Conseil européen de mars 2007, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont engagés à faire passer la part des biocarburants dans les transports à 10 % d’ici 2020, par rapport au niveau actuel de 2%, en vue de parvenir à une réduction de 20% des émissions de GES en Europe par rapport aux niveaux de 1990.
L’exécutif européen a donc renforcé les instruments de développement de ces carburants théoriquement « plus propres », en présentant, dans son paquet "énergie-climat", une révision de la directive de 2003 sur les biocarburants.
La directive confirme l'objectif de 10% pour 2020 mais contient des "critères de durabilité" pour éviter les investissements massifs dans des biocarburants meilleur marché, mais nuisibles pour l'environnement.
Les 27 semblent cependant avoir fait un pas en arrière lors du Conseil européen des 13 et 14 mars derniers. « Il n’est pas exclu de revoir ou de réviser notre objectif », même si ce n’est pas à l’ordre du jour, a indiqué à cette occasion le premier ministre slovène, Janez Jansa.
Les bienfaits des agrocarburants sur l’environnement et le climat et leur impact sur l’alimentation font aujourd’hui l’objet de nombreuses critiques.
Enjeux :
Equilibre énergétique
Le bilan énergétique des biocarburants, c'est-à-dire la différence entre la quantité d'énergie nécessaire sur un cycle complet de production des biocarburants (input) et la quantité d'énergie produite (output), suscite notamment la controverse.
Selon des études menées par des chercheurs américains, MM. Pimentel et Patzek, la production d'éthanol demande plus d'énergie qu'il n'en contient lui-même. D'autres études (notamment celle réalisée par le Département américain à l'agriculture) indiquent cependant que le bilan énergétique est positif.
Potentiel de réduction du réchauffement climatique
En principe, les biocarburants sont "neutres en carbone": leur utilisation n'émet pas plus de dioxyde de carbone que celui absorbé au cours de la croissance des plantes utilisées pour fabriquer ces biocarburants. Remplacer les carburants fossiles par les biocarburants pour les transports contribuerait donc à la lutte contre le réchauffement climatique.
Cependant, selon une étude de l’institut des transports de Californie de décembre 2003, l'utilisation de biocarburants pourrait en fait augmenter les émissions de gaz à effet de serre car les forêts, les zones humides et les réserves de protection seraient converties en terres pour la culture de maïs et de soja.
La production des biocarburants, elle-même, requiert beaucoup d’énergie, et l’intensité de l’agriculture nécessaire à cette production peut, dans certains cas, émettre une quantité importante de GES, et donc limiter les apports des biocarburants sur le réchauffement climatique.
Un rapport publié en mai 2007 par la division Energie des Nations Unies explique de plus que les biocarburants pourraient certes présenter un certain nombre d'avantages, mais que le risque d'augmenter la production de CO2 en les utilisant dans le secteur des transports est considérable.
Ce rapport note qu'en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, recourir aux biocarburants pour la production de chaleur et d'électricité serait plus approprié que dans le secteur du transport.
Encore plus récemment, des experts scientifiques de la Commission la Commission
Utilisation des sols
L'utilisation des sols pour la culture bioénergétique rivaliserait de plus avec l'utilisation des terres pour la production d'aliments et de nourriture pour animaux, en faisant augmenter le prix des produits de base comme les céréales, et en menaçant la diversité biologique. Selon l'Agence européenne pour l’environnement (AEE), pour atteindre l'objectif de 5,75% de la directive biocarburants, les cultures de biocarburants doivent représenter entre 4% et 13% du total des surfaces cultivables des 25 Etats membres.
Néanmoins, selon une étude réalisée en juillet 2007 par la DG Agriculture la Commission
D'après cette étude, les terres gelées, actuellement réservées au titre de la politique agricole commune pour limiter la production excessive des agriculteurs, pourraient largement couvrir ce besoin.
Environnement
Les biocarburants peuvent avoir plusieurs avantages sur le plan environnemental, comme la réduction de la pollution de l'air ou la réduction des déchets.
Mais il existe des dangers à utiliser davantage d'engrais ou de pesticides pour la culture de produits énergétiques en termes d’impact sur la biodiversité et la qualité des sols. Les pays en développement pourraient en outre être incités à s’imposer sur ce marché en expansion, au risque d’aggraver les phénomènes de déforestation par exemple.
Coûts des biocarburants
Les biocarburants sont plus onéreux que les carburants fossiles traditionnels. L'exemption de taxes est donc nécessaire pour les rendre plus compétitifs, même si la seconde génération promet d'être moins chère.
La mise en place de critères de durabilité
Tous ces éléments semblent convaincre les politiques et dirigeants d’adopter une attitude prudente sur les biocarburants. la Maîtrise La Commission
Selon les conclusions du Grenelle de l’environnement, les orientations françaises dans ce domaine seront déterminées après étude de l’analyse que rendra l’ADEME (Agence de l’Environnement et de
Les représentants des Etats membres ont convenu, le 22 février, que dans un souci de cohérence, les normes de durabilité des biocarburants devraient être incluses dans une version révisée de la directive européenne de 1998 relative à la qualité des carburants.
Ainsi, le Conseil a mis en place un « groupe de travail ad hoc » chargé d’établir des critères de durabilité.
Le PE a déjà exprimé ses craintes qu’en l’absence de critères plus stricts et contraignants, les producteurs de carburant se concentrent uniquement sur la réduction du CO2 au plus faible coût possible, sans prendre en considération les autres effets potentiellement négatifs sur l’environnement – en particulier ceux liés à la production massive de biocarburants à partir de cultures agricoles, la déforestation, les hausses des prix alimentaires et les pénuries d’eau.
Positions :
Peu de temps avant la publication du paquet "énergie-climat", la commission d’audit environnemental de la Chambre
Réagissant à cette récente analyse, le commissaire en charge de l’énergie, Andris Pielbags, s’est déclaré « en profond désaccord avec la conclusion du rapport ». « Les biocarburants entraîne[nt] des réductions significatives des émissions de gaz à effet de serre, en comparaison avec leur alternative, le pétrole », a-t-il précisé à la veille de la publication du paquet "énergie-climat". la Commission la Chambre
Néanmoins, à cette occasion, le commissaire a déclaré que
Lors de la présentation du paquet "énergie-climat" au Parlement européen, le président de la Commission la Commission la Présidence la Commission la Présidence
Se félicitant aussi de la définition des « biocarburants soutenables » introduite dans le paquet "énergie-climat", le directeur général « Energie et transports » à
De son côté
Selon le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes français, Jean-Pierre Jouyet, « il appartiendra à
Selon la députée européenne, Françoise Grossetête (PPE-DE), les membres de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen se posent beaucoup de questions au sujet des agrocarburants. "Ne parlons plus de ceux de la première génération, quant à la deuxième, elle pose de nombreuses interrogations", a-t-elle déclaré lors d'une table ronde organisée à l'Assemblée nationale française le 24 janvier dernier. "Lorsqu'on a commencé à développer cette filière, on avait besoin de trouver de nouveaux débouchés pour nos agriculteurs. Maintenant que l'on s'aperçoit qu'il faut nourrir la planète, l'inquiétude au sujet des débouchés s'est dissipée et l'on se demande même comment l'on pourra produire suffisamment pour l'alimentation". la Commission
« Je sais que différentes objections ont été exprimées, et
Mais, pour le directeur des campagnes de Greenpeace France, Yannick Jadot, ces critères sont loin d’être suffisants. Réagissant, dans un entretien accordé a EurActiv.fr, à l’objectif fixé par la Commission la Commission
De son côté la FNSEA
En réponse aux critiques mettant en avant les dangers que les biocarburants pourraient représenter, la FNSEA
Les agrocarburants représentent un enjeu important pour les groupes énergétiques, qui souhaitent se positionner comme leader pour répondre à une demande de plus en plus sensible étant donnés les enjeux climatiques et la hausse des prix des énergies fossiles. Selon une étude menée par Shell, « les biocarburants de prochaine génération, joueront un rôle prépondérant tant pour faire face à la demande mondiale, toujours croissante, en carburants routiers, que pour ralentir la vitesse à laquelle les émissions de CO² progressent ».
Ebio (European bioethanol fuel association), considère quant à elle que les craintes suscitées par les biocarburants sont suffisamment prises en compte dans le paquet "énergie-climat" de la Commission. L
Liens utiles
Documents officiels
- Parlement européen : Ni tout blanc, ni tout noir : les biocarburants sont-ils gris ?
- Conseil européen 13 et 14 mars, conclusions de la présidence
- Commission: proposition de directive sur les énergies renouvelables (23 janvier)
- Commission: proposition de directive sur les énergies renouvelables (23 janvier)
- Commission européenne: page sur les biocarburants
- DG Tren: site sur les biocarburants et le transport
Positions des acteurs
- Shell et les biocarburants
- Shell: coup d'oeil sur les biocarburants
- Association pour le développement des carburants agricoles
- Greenpeace: Paquet énergie-climat de la Commission européenne : un bien décevant manque d'ambition
- Bureau européen sur le biodiesel:papier de position sur la proposition de directive de la Commission sur la promotion des biocarburants d'ici 2030
Revue de presse
- AFP:L'UE n'exclut pas de réduire ses ambitions sur les biocarburants
- EurActiv.com:Commission scientists blast EU biofuels policy