Les 268 mesures adoptées en octobre 2007 doivent être mises en œuvre au plus tôt par le Parlement, estiment les représentants des quatre collèges qui ont participé aux côtés de l'Etat au Grenelle de l'environnement – collectivités territoriales, ONG, employeurs et syndicats. http://www.lemonde.fr/archives/article/2008/03/26/environnement-retour-au-grenelle_1027413_0.html
Les histoires de nos
organisations sont singulières, nos cultures différentes, nos intérêts parfois
divergents. Nous représentons pour partie la diversité de la société française,
ses richesses et ses complexités. Mais nous avons un point commun et il est
essentiel : nous appartenons à la même communauté humaine et à la même planète.
Ensemble, dans le Grenelle de l'environnement, dans un effort d'écoute et de
dialogue démocratique, appuyés sur l'expertise et l'expérience des uns et des
autres, nous sommes parvenus au même diagnostic : la gravité des enjeux
écologiques menace de déstabiliser notre économie, de dégrader nos relations
sociales et de nuire irréversiblement aux générations futures. Nous sommes à
présent sous une contrainte de temps majeure. Il nous faut réagir sans plus
attendre.
Chacun à notre façon, nous
nous sommes engagés totalement et sans réserve dans cette démarche. Nous avons
laissé nos préjugés à la porte, abandonné nos postures, revisité nos certitudes
afin de nous concerter sur les remèdes possibles et les réformes nécessaires.
Nous le redisons ici avec solennité, au-delà des aléas politiques et des
conjonctures partisanes : le bien commun et l'intérêt collectif sont en jeu. Ce
défi appelle de nouvelles attitudes et oblige à un choix de société. Il n'y a
rien de plus pressant que de garantir à tous un avenir durable.
C'est dans cet esprit que nous avons
travaillé ensemble pour que le Grenelle de l'environnement marque une rupture
dans le laisser-aller d'un mode de développement qui brûle ses vaisseaux; et
pour qu'il ouvre en même temps des pistes constructives vers de nouvelles façons
de produire, de consommer, de se déplacer, d'innover, de se nourrir, de se
loger, d'organiser le territoire, de respecter la nature et, in fine, de vivre
ensemble.
Autrement dit, cette réflexion ne se limite
pas à des mesures écologiques ; elle porte un véritable projet de société. Les
mesures adoptées lors de la table ronde finale du Grenelle de l'environnement,
à l'automne 2007, visent à répondre aux priorités les plus urgentes. Elles sont
sans doute encore insuffisantes et doivent être améliorées dans un processus
permanent de réformes négociées, dans le cadre d'autres Grenelle. Certaines
peuvent apparaître difficiles.
Mais, pour nous, il n'y a pas d'alternative.
Si les 268 mesures adoptées fin octobre 2007 ne sont pas mises en œuvre
résolument, si ce signal pour une profonde mutation n'est pas envoyé vite,
force sera alors de constater que nous aurons consenti à perpétuer les erreurs
du passé, avec des conséquences économiques et sociales désastreuses.
Chaque jour apporte la confirmation que, loin
de se résorber, la crise des ressources naturelles, de la biodiversité et des
équilibres climatiques s'aggrave. La forte hausse (qui pourrait prendre des
formes vertigineuses) du prix du pétrole et du gaz comme celle des produits
alimentaires sont des révélateurs puissants qui commencent à exercer leurs
ravages sur les catégories sociales les plus exposées.
Malgré les initiatives des collectivités
territoriales et des entreprises, malgré la prise de conscience et la
mobilisation des organisations professionnelles et syndicales, quelles que
soient les innovations technologiques, en dépit aussi des efforts individuels
et des progrès collectifs, la ligne de front recule. Nous ne nous situerons pas
à hauteur des enjeux en agissant à la marge, par des adaptations sectorielles
et ponctuelles. Il faut anticiper sur une autre logique et c'est bien l'esprit
des négociations du Grenelle. Elles invitent chacun – politiques,
administratifs, entrepreneurs et dirigeants d'entreprises, ingénieurs,
chercheurs, syndicalistes, acteurs sociaux et associatifs, citoyens – à exercer
sa responsabilité, au niveau qui est le sien, pour inverser la tendance. Soyons
au rendez-vous ! Voilà pourquoi il nous apparaît crucial de revenir au plus tôt
au Grenelle pour en faire une priorité politique. Or, ces derniers temps, un
sentiment d'enlisement et d'essoufflement de la dynamique s'est fait jour parmi
les acteurs du Grenelle. Des tentations de retour en arrière s'expriment ici et
là. Des pressions s'accumulent. Des questions essentielles comme celle des
financements ne sont toujours pas abordées. Certes, l'administration a sa
feuille de route et elle travaille à rendre opérationnelles la plupart des
mesures décidées.
Certes, le ministère de l'écologie, du
développement et de l'aménagement durable est renforcé dans ses attributions et
il s'attache à porter les mesures du Grenelle. Mais rien de suffisant ne s'est
encore traduit en actes et les résultats se font attendre. De notre point de
vue, les engagements du président de la République
C'est maintenant aux élus de la nation, après
la reprise des travaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, qu'il revient de
s'impliquer. Une loi d'orientation reprenant les principaux choix arrêtés lors
de la table ronde finale va leur être soumise de même que toute une série de
mesures concernant de nombreux aspects de la vie quotidienne de nos
concitoyens. Les députés et les sénateurs sont, à leur tour, placés devant
leurs responsabilités. Elles sont immenses. Dans la suite de l'élan impulsé
avec les principaux représentants de la société civile et des forces vives du
pays, nous attendons d'eux qu'ils encouragent et renforcent le mouvement vers
l'absolue nécessité du changement de société que le Grenelle de l'environnement
préconise.
La France
va accéder
prochainement à la présidence de l'Union européenne au moment où des dossiers
décisifs vont être discutés. Elle a fait connaître, par son gouvernement, sa
volonté de faire de l'impératif écologique sa priorité. Avec un Grenelle de
l'environnement effectivement mis en application à l'échelle nationale, il est
évident que sa crédibilité et ses propositions s'en trouveraient renforcées au
niveau continental.
Collectivités territoriales : Marc Censi, Assemblée des communautés de France ;
Claudy Lebreton, Assemblée des départements de France ; Jacques Pélissard,
Association des maires de France ; Jean-Jack Queyranne, Assemblée des régions
de France
Employeurs : Jean-Pierre Clamadieu, Medef ; Guillaume de Bodard,
CGPME
ONG : Claude Bascompte, Les Amis de la Terre
Syndicats : Jean-Frédéric Dreyfus, CFE-CGC ; Marcel Grignard,
CFDT ; Bernard Ibal, CFTC ; Bernard Saincy, CGT
LE
MONDE | 26.03.08 | 12h11 • Mis à jour le 26.03.08 | 13h13
http://www.lemonde.fr/archives/article/2008/03/26/environnement-retour-au-grenelle_1027413_0.html