Jeudi dernier, la tonne de riz a fait un bond de 31 %, à 760 dollars, soit un doublement depuis le début de l'année. Le prix du riz est à son plus haut depuis vingt ans. Les Philippines et l'Égypte viennent de prendre des mesures.
En 25 ans de métier, ce courtier en riz parisien n'a jamais vu ça : impossible depuis plusieurs semaines d'obtenir de ses vendeurs thaïlandais les quantités réclamées, et même des indications de prix ferme. «Ils préfèrent retenir leurs stocks en attentant que les prix grimpent», s'agace ce professionnel.
Le raisonnement des vendeurs est simple : pourquoi vendre aujourd'hui alors que demain on pourra obtenir mieux. Jeudi, la tonne de riz a fait un bond de 31 % à 760 dollars, soit un doublement depuis le début de l'année, soit un quadruplement sur cinq ans. «Tous les opérateurs craignent une pénurie de riz en 2008», s'alarme l'Office national interprofessionnel des grandes cultures (Onigc), dans son dernier bulletin mensuel.
Les conséquences ne sont pas encore visibles de ce côté de l'Atlantique. En dehors des Italiens, amateurs de risotto, et des Espagnols, champions de la paella, l'Européen est un consommateur moyen : 4,5 kg de riz blanc en moyenne par an.
Il en va autrement en Asie où chaque habitant consomme annuellement 60 kg de riz blanc. Un riz qui menace de manquer bientôt aux Philippines où près de 80 % de la population en mange au petit déjeuner. À Manille, les stocks du pays sont tombés au plus bas depuis un quart de siècle. Le pays ne peut pratiquement plus développer la surface de ses rizières, alors que sa consommation augmente au rythme de sa population qui galope à la vitesse de 1,8 % par an.
La présidente philippine, Gloria Macapagal Arroyo, a lancé un véritable appel au secours au premier ministre vietnamien, Nguyen Tan Dung, afin d'obtenir une garantie d'approvisionnement. Manille cherche désespérément 500 000 tonnes sur le marché international. Son premier fournisseur, le Vietnam, deuxième exportateur mondial, l'a averti, il y a quelques semaines, qu'il ne pourrait lui vendre qu'un million de tonnes cette année contre 1,4 million de tonnes l'année dernière. Face à ces appels, Hanoï s'est finalement engagé vendredi à livrer cette année 1,5 million de tonnes.
Éviter le gaspillage
En attendant, le gouvernement philippin a incité les chaînes locales de fast-food à réduire de moitié le poids des barquettes de riz. But de la manœuvre : éviter le gaspillage des consommateurs qui ne finissent pas toujours leur portion. La mesure devrait permettre d'économiser plus de 1 000 tonnes de la précieuse graine par jour. Gloria Macapagal Arroyo envisage également un gel des transformations des terres agricoles en habitation.
La hausse du prix du riz est prise dans la tourmente des autres céréales qui lui sont substituables. C'est ainsi que l'Égypte, échaudée par des mouvements sociaux contre la vie chère, vient d'annoncer la suspension de ses exportations de riz pour six mois à partir du premier avril à début octobre afin de «subvenir aux besoins du marché local, le riz étant une denrée de base en Égypte et le principal substitut aux pâtes dont les prix ont augmenté récemment après la hausse des prix du blé sur le marché international», a expliqué vendredi un conseiller du ministre du Commerce, Mohammed Rachid.
La pénurie ne cesse de s'étendre depuis octobre.
L'Inde, troisième exportateur mondial, victime d'inondations dans plusieurs États du pays, a donné le signal en décidant un embargo sur ses exportations de riz non basmati, variété parfumée dont le prix est hors de portée des pays africains. Depuis octobre, non seulement l'Inde n'exporte plus mais risque de devenir importatrice. Premières victimes, les pays du golfe Persique, où jusqu'à 80 % de la population est immigrée d'origine indienne ou pakistanaise.
Ces immigrés se sont trouvés privés de riz en quelques jours. Début octobre, le riz a disparu des restaurants indiens, ainsi que des rayonnages des commerces. Les approvisionnements ont fini par reprendre mais plus chers. D'où les violences qui ont éclaté et qui ne se sont pas apaisées depuis dans les Émirats arables unis.
La grogne n'épargne pas l'Afrique. Les autorités sénégalaises ont interdit vendredi une manifestation prévue dimanche à Dakar à l'appel d'une association de consommateurs pour protester contre la hausse des prix, en particulier celle du riz. D'autre pays où le riz est devenu une denrée de base sont également touchés, comme le Cameroun, le Burkina Faso, ou la Guinée
Georges Quioc